Résumé de la communication : Depuis 2022, la fracassante seconde vague de l’invasion russe de l’Ukraine a multiplié les ruines dans ce pays. Plusieurs agglomérations y font l’objet de combats constants, ce qui augmente mécaniquement le degré de dévastation. Alors, les lieux dévastés sont plus que jamais observés. Les instances ukrainiennes quantifient avec soin les dégâts ; les propagandistes russes y cherchent des moyens supplémentaires de dénigrer leur adversaire. Tant en Ukraine qu’en Russie, chaque image participe à l’affrontement, entre constat effaré et instrumentalisation cynique.   Quelques sites ont marqué les esprits, tels Bakhmout, Avdiivka, et Marioupol. Chacune a donné lieu à des stratégies spécifiques, de la part des deux belligérants. Le côté russe exalte un puissant passé panrusse supposément menacé par un occident considéré déliquescent ; le côté ukrainien réaffirme sa récurrente aspiration d’indépendance. Alors que la culture ukrainienne fut étouffée d’abord par la sévérité tsariste puis par le fallacieux universalisme soviétique, ce conflit prend in fine des accents mythifiés – où les adversaires convoquent chacun des référents clés, afin de servir deux agendas politiques aux antipodes. Ainsi, chaque interprétation mobilise à sa manière les vestiges produits par le conflit pour que ceux-ci témoignent aussitôt des tenants et aboutissements d’un affrontement majeur. 

Biographie de l'auteur : Fabien Bellat est docteur en Histoire de l’art de l’Université Paris X), professeur à l’Ecole d’architecture de Lille. Spécialiste de l’histoire de l’architecture soviétique en URSS et dans le bloc de l’Est.