Entretien
Chapitres
Notice
Langue :
Français
Crédits
Claude ROCHETTE (Réalisation), UMVF - Université Médicale Virtuelle Francophone (Production), Université Paul Verlaine - Metz (UPV-M) (Production), Raymond Magro (Intervention), Hervé Levilain (Intervention), Patrick Castel (Intervention)
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/5vzn-wn13
Citer cette ressource :
Raymond Magro, Hervé Levilain, Patrick Castel. Canal Socio. (2009, 30 octobre). Les dynamiques d'introduction et de réception des recommandations en médecine. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/5vzn-wn13. (Consultée le 19 mars 2024)

Les dynamiques d'introduction et de réception des recommandations en médecine

Réalisation : 30 octobre 2009 - Mise en ligne : 30 novembre 2009
  • document 1 document 2 document 3
  • niveau 1 niveau 2 niveau 3
Descriptif

Deuxième volet de la collection « Les formes de la médecine contemporaine ».

La situation de la médecine contemporaine apparaît, à bien des égards, paradoxale. Elle occupe en effet une position éminente dans le monde contemporain et se voit amener à prendre en charge un nombre toujours plus grand de problèmes biologiques ou même sociaux. Mais les conditions et modes d'exercice de la médecine se sont, ces dernières années, profondément transformés. De nouveaux acteurs (l'usager, les spécialistes de gestion), de nouveaux outils (les recommandations, Internet), de nouvelles logiques (la qualité) sont apparus, pouvant constituer des contraintes mais aussi des ressources pour l'exercice.

Les auteurs abordent avec Patrick Castel, sociologue, « les dynamiques d'introduction et de réception des recommandations en médecine ».

Intervention
Thème
Documentation

L’exercice contemporain de la médecine
par Hervé Levilain, sociologue

La situation de la médecine contemporaine apparaît, à bien des égards, paradoxale. Elle occupe en effet une position éminente dans le monde contemporain et se voit amener à prendre en charge un nombre toujours plus grand de problèmes biologiques ou même sociaux. Mais les conditions et modes d'exercice de la médecine se sont, ces dernières années, profondément transformés.

Depuis le milieu du XXème siècle les médecins disposent d'une consécration (Arliaud, 1987) qui leur a permis d'étendre le champ de compétences de la médecine à de nouveaux domaines : l'alcoolisme, la sexualité, la vieillesse etc. Cette « médicalisation » ne répond pas à la seule logique d'extension d'un marché médical ; elle s'accompagne plus fondamentalement d'une redéfinition complète du « sens du mal » et marque une évolution des sociétés contemporaines dans lesquelles la problématique de la santé tend à supplanter toute autre appréhension de « problèmes sociaux ». La médecine est au premier plan de cette redéfinition du champ de la santé et les sociologues parlent de bio-légitimité pour désigner cette nouvelle emprise de la médecine sur la vie (Fassin & Memmi, 2004) depuis la conception jusqu'après la mort.

L'extension du champ de compétences médical n'est pas sans lien avec la forte légitimité dont les médecins disposent depuis le milieu du XXème siècle mais celle-ci n'est plus de même nature. A la figure ancienne du dévouement personnalisé de « l'homme en blanc » (le « patron » ayant historiquement succédé au médecin dévoué, courant les campagnes) se superpose désormais celle d'une activité plus collective et fortement médiatisée (les « premières chirurgicales ») qui rejaillit sur tout le groupe. « La médecine » est aujourd'hui identifiée à la science et à une haute technicité au service du bien public et de la collectivité. En particulier pour certains segments qui, pour certains, se sont constitués autour des équipements et, pour d'autres, ont vu le développement de l'imagerie médicale (on peut penser à la place de l'échographie en obstétrique) bouleverser les pratiques et le rapport des usagers à la médecine.

Enfin, dans le même temps, où la médecine trouvait sa consécration, les médecins ont réussi en particulier en France à obtenir le monopole d'exercice de la médecine (1892) et à imposer un cadre professionnel à l'exercice leur garantissant leur autonomie tout en les préservant des logiques de marché. Au 20e siècle, la médecine est ainsi devenue un modèle relativement achevée de profession, souvent pris pour exemple par d'autres groupes dans leur constitution professionnelle.

Mais cette description fortement positive de l'évolution de la médecine doit être nuancée. La médecine a aussi connu ces dernières années de profondes transformations quant à ses modes d'exercice. Celui-ci ne cesse de se complexifier. La division du travail croissante entre techniques et spécialités suppose un travail de plus en plus important de coordination : la production du diagnostic s'appuie désormais souvent sur une pluralité de techniques d'investigation du corps. La production du diagnostic doit désormais être organisée et s'opère dans une division du travail entre spécialités dont il faut assurer l'intégration.

Par ailleurs, de manière paradoxale, les progrès de la connaissance s'accompagnent d'une plus grande incertitude (Fox, 1988) dans l'exercice. Celui-ci s'exerce désormais au croisement de multiples logiques parmi lesquelles on peut citer : la judiciarisation -laquelle témoigne que la légitimité médicale n'est plus incontestée- la proto-professionnalisation des patients -ceux-ci sont de mieux en mieux informés et disposent de supports de connaissance qui étendent le champ de la médecine mais rendent plus incertain et contradictoire son exercice- ou encore l'émergence du médicament et de la molécule pouvant constituer un enjeu propre de la consultation faisant du médecin un simple prescripteur. Enfin, depuis le milieu du XXème siècle, une nouvelle figure est apparue : le patient. Il constitue une véritable contrainte pesant sur l'exercice à la fois sous la forme collective des associations de malades et sous celle individuelle du sujet muni de droits.

Dans l'exercice quotidien, de nouveaux objets peuplent la pratique, semblant traduire une plus forte administration de la médecine : Le médecin référent, la carte Vitale, les RMO puis les recommandations (comme le montre dans ce module M Robelet). Des travaux ont pu montrer que certaines disciplines, comme la cancérologie, se sont édifiées depuis longtemps au croisement de logiques de recherche, industrielles, médicales et politiques (Pinell, 1992). Mais d'autres spécialités et la médecine générale elle-même s'exerce de plus en plus au croisement d'une pluralité de logiques qui peuvent brouiller le « colloque singulier » et venir compliquer le déroulement « consensuel » de la consultation (pour une présentation des modèles consensuels et conflictuels de la relation thérapeutique voir P. Adam et C. Herzlich 1994). Depuis les années 1960, la médecine générale a placé la relation médecin – malade au centre de l'exercice médical.

Sur le plan de son organisation professionnelle, l'image d'homogénéité du corps que le groupe avait réussi à imposer depuis le XIXème devient de plus en plus difficile à préserver : la diversification des secteurs et un processus de spécialisation contribuent à renforcer l'hétérogénéité des conditions d'exercice.

La régulation de l'exercice et des pratiques médicales et / ou économiques au nom d'une plus grande efficacité et efficience semble faire son chemin. Les disparités de densité ou de recours au soin, les inégalités de santé ou même les comportements de certains médecins (CMU) questionnent l'organisation professionnelle de l'activité ayant jusqu'alors prévalue. En France, le numerus clausus, longtemps considéré comme la pierre angulaire de la régulation d'un marché professionnel, fait question et semble annoncer en regard de la faiblesse d'autres modes de régulation, de fortes disparités de densité médicale.

En regard de ces nombreuses tensions, cette ressource se propose d'analyser quelques transformations pesant sur l'exercice contemporain de la médecine :

1. La mise en place de nouvelles formes de régulation des pratiques médicales (M. Robelet),

2. Les dynamiques d'introduction et de réception des recommandations en médecine (P. Castel),

3. Les transformations de l'exercice en médecine générale (M. Winckler).

Eléments de bibliographie

• M. Arliaud, Les médecins, Paris, La Découverte, 1987.

• D. Fassin, D. Memmi (dir.), Le gouvernement des corps, Paris, Ehess, 2004.

• R. Fox, L’incertitude médicale, Paris, L’Harmattan, 1988

• P. Pinell, Naissance d’un fléau. Naissance de la lutte contre le cancer en France (1850-1940), Métailié, Paris, 1992.

Pour prolonger, deux « manuels » de niveau 1er et 2e cycle universitaire :

• P. Adam, C. Herzlich : Sociologie de la maladie et de la médecine ; Nathan Université, Coll “ 128 ” Paris, 1994

• D. Carricaburu, M. Menoret : Sociologie de la santé. Institutions, professions et maladies Paris, Armand Colin, 2004, 235 p

,

Bibliographie

  • Amar L., Minvielle E., « L’action publique en faveur de l’usager : de la dynamique institutionnelle aux pratiques quotidiennes de travail. Le cas de l’obligation d’informer le malade », Sociologie du travail, 42, 1, 2000, pp. 69-89.
  • Castel P., « Le médecin, son patient et ses pairs. Une nouvelle approche de la relation thérapeutique », Revue Française de Sociologie, 46 (3), 2005, pp.443-467.
  • Castel P., Dalgalarrondo S., « Les dimensions politiques de la rationalisation des pratiques médicales », Sciences Sociales et Santé, 23 (4), 2005, pp. 5-40.
  • Castel P., Merle I., « Quand les normes de pratiques deviennent une ressource pour les médecins », Sociologie du Travail, 44 (2), 2002, pp. 337-355.
  • Cochoy, F., Garel, J.P., Terssac, G. (de), « Comment l’écrit travaille l’organisation : le cas des normes ISO 9000 », Revue française de sociologie, 39 (4), 1998, pp. 673–699.
  • Guillaume-Hofnung M. (dir.), « Droits des malades. Vers une démocratie sanitaire ? », Problèmes politiques et sociaux, 2003, 885.
  • Karpik L., « Dispositifs de confiance et engagements crédibles », Sociologie du travail, 38, 4, 1996, pp. 527-550.

Avec les mêmes intervenants et intervenantes

Sur le même thème