LES 100 ANS DU BAUHAUS, INFLUENCES & ENSEIGNEMENTS
COLLOQUE 18 & 19 OCT. 2019 - LRA ENSA TOULOUSE
Pour contribuer à cette actualité, l’Ensa Toulouse, le Laboratoire de recherche en architecture, associés à l’Institut Goethe Toulouse, organisent un colloque les 18 et 19 octobre 2019.
Salle des thèses du LRA
Présentation par Andréa URLBERGER
Les 100
ans du Bauhaus, Influences & Enseignement « La seule manière de défendre
la langue, c’est l’attaquer, mais oui Mme Strauss »! Marcel Proust, lettre à
Mme Strauss le 6 novembre 1908 Si la défense ne passe pas toujours par une attaque
frontale, elle exige toutefois l’interrogation permanente voire l’instauration
d’une distance critique. Lors du colloque Les 100 ans du Bauhaus, Influences
& Enseignements, organisé le 18 et 19.10.2019 à l’ENSA Toulouse, des
architectes, historiens, commissaires d’exposition et philosophes s’intéressent
à la réception, parfois étroite et schématisée, du Bauhaus. Ils révèlent les
oublis, les interprétations partisanes, les impacts ainsi que les filiations
actuelles pour expliquer en quoi le Bauhaus nous regarde encore aujourd’hui.
Fondée en 1919 à Weimar en Allemagne, cette école d’arts appliqués et
d’architecture a déménagé à Dessau en 1925, puis elle a fermé ses portes avec
l’arrivée des national-socialistes au pouvoir en 1933. En dépit de cette courte
existence, le Bauhaus reste indéniablement une des écoles parmi les plus
influentes du 20e siècle. Alors que ses réalités complexes sont fréquemment
écartées pour en faire une icône de la modernité, il s’agit aujourd’hui de
proposer des nouvelles compréhensions et d’autres points de repères pour la
repenser. Philpp Oswalt, architecte, ancien directeur de la fondation du
Bauhaus Dessau, constate tout d’abord que l’émergence de l’architecture moderne
s’appuie sur un processus lent qui s’est déployé tout au long du 19e siècle. La
modernité résulte alors d’un nombre important d’inventions et de postures dogmatiques
qui participent à une fragmentation croissante de la société, aboutissant à une
catastrophe majeure, la 1er Guerre mondiale. C’est pourquoi les avant-gardes dont
fait partie le Bauhaus, ont joué un rôle tout autre qui leur est attribué
habituellement. Au lieu d’initier le changement, il faut considérer cette école
plutôt comme un « atelier de réparation » qui assemble à partir d’éléments in
fine déjà standardisés voire obsolètes, des nouvelles formes. Visant à réparer
les effets néfastes de cette fragmentation moderne, le Bauhaus cherche une
synthèse à partir de connaissances hétérogènes entre sciences, arts et
technologies. Si le Bauhaus est pourtant aujourd’hui le symbole de la nouvelle
simplicité à travers la fabrication de prototypes, c’est parce que Walter
Gropius a imposé cette vision. Pour autant, cette école n’a jamais formé une
unité, tout au contraire, elle a toujours été instable et pleines de contradictions.
Joseph Abram, architecte et historien, poursuit cette réflexion, abordant plus
spécifiquement la modernité artistique à travers la figure d’Albert
Mentzel-Flocon. Bien que proche d’Oscar Schlemmer, sa production artistique se
révèle antagoniste face aux orientations artistiques d’enseignants du Bauhaus
comme Wassily Kandinsky ou Laszlo Moholy-Nagy. Inventeur de la perspective
curviligne, le travail de Flocon a été largement marginalisé après la 2e Guerre mondiale
car en décalage avec l’imaginaire construit autour de la modernité artistique.
Pour autant, Flocon qui a vécu à partir de 1933 en France, témoigne que le
Bauhaus a toujours su développer une production polysémique et multiple. Tim
Benton, historien de l’architecture, met en cause une autre icône de la
modernité issue du Bauhaus, ses meubles en métal. Contrairement aux idées
communément partagées, l’utilisation du métal et en particulier les chaises en
métal, ne permettaient pas une économie, même dans le cadre d’une fabrication
industrielle. L’utilisation de l’acier, notamment quand on veut donner
l’illusion que la structure de la chaise est faite d’un seul morceau, s’avère
bien plus onéreux que le bois. Pas plus fonctionnel que le bois qui persiste
par ailleurs, le métal se transforme assez rapidement en un « matériau idéologique
» ayant pour objectif de représenter ou plutôt de donner l’illusion cette
modernité fonctionnelle. La question de l’économie est également au centre de
l’intervention du philosophe Pierre-Damien Huyghe. À partir d’un texte que
Walter Gropius écrit en 1923, Huyghe questionne la place de l’économie dans le
cadre de la production de prototypes dans divers ateliers (bois, métal, verre
etc.) au coeur de l’enseignement au Bauhaus. Si l’économie est une façon
d’administrer la technique, Gropius défend pourtant une autre méthode de
travail dans ces ateliers qu’il nomme des laboratoires. Mettant en place une
union entre différentes façons de travailler, ces laboratoires excluent l’économie.
Cette mise à l’écart est essentielle selon Pierre-Damien Huyghe, car l’économie
travaille dans le secret et oriente la technique tandis que l’idée du
laboratoire permet d’explorer toutes les possibilités techniques sans entrave économique.
C’est à partir du laboratoire que le Bauhaus a su créer des nouveaux rapports à
la technique. L’hégémonie et les idée préconçues sur le Bauhaus sont également
discutées par Jean-Christophe Arcos, commissaire d’exposition qui explique que
l’oeuvre d’art totale, l’objectif commun, s’incarne pour Oscar Schlemmer, un
enseignant du Bauhaus, dans la scène. Plaçant l’homme au centre de ses préoccupations,
Schlemmer nie cependant toute recherche autour de la différenciation de genre, évite
les doctrines politiques, mais aussi l’humanisme et l’interprétation mystique.
C’est à partir de ses protocoles et intentions scéniques que son travail agit
sur de nombreuses postures artistiques des années 60. Il faut dire que les
personnes et les idées du Bauhaus circulent massivement suite à sa fermeture,
influençant de manière très diverse les productions et enseignements de l’après-guerre
jusqu’à aujourd'hui. Cette mobilité impacte l’architecture, l’art et le design
dans de nombreux pays. Explorée par Ana Chatelier, doctorante en architecture
qui analyse les parcours des maitres et élèves du Bauhaus vers leur exil en Amérique
latine dont les idées retournent dans les écoles d’architecture en France lors
des années 60 et 70. Cette fluidité dans les échanges intéresse aussi Sigrid
Pawelke, curateure, dans l’oeuvre de la chorégraphe Anna Halprin et son mari le
paysagiste Lawrence Halprin. Des contacts aux Etats-Unis avec les « anciens »
du Bauhaus, Josef Albers et Walter Gropius, inspirent les Halprin surtout dans
leur travail interdisciplinaire. Divers workshops et le RSVP cycle, un
outil destiné à la création en collectif, renoue directement avec des
recherches expérimentées d’abord au Bauhaus puis à l’école d’art américaine
Black Mountain College (1933-1957). Après l’Amérique Latine et les Etats Unis,
Sophie Fétro, théoricienne du design, s’intéresse aux suites du Bauhaus en
Allemagne. L’école de design, la Hochschule für Gestaltung, fondé en 1953 par
Max Bill, un ancien étudiant du Bauhaus, et le graphiste Otl Aicher s’inscrit
tout d’abord dans l’esprit du Bauhaus qui lie art et technique, pour s’y
opposer quelques années après, prônant une approche rationnelle et scientifique
du design. Toutefois les influences du Bauhaus ne s’arrêtent pas à la fin des
années 60, mais retrouvent une nouvelle actualité comme l’explique l’architecte
Joanne Pouzenc. Traçant une filiaLon du Bauhaus au Black Mountain College, de
l’oeuvre New Babylon (1956-1974) de Constant à la Floa@ng University ,
Joanne Pouzenc souligne la centralité de l’humain et du collectif dans la
construction. 1 A la place d’une démarche de projet, c’est le présent à
travers une intensification des liens entre concepteurs et usagers, entre
extension et résilience qui est ambitionnée ici. Lors de ces deux journées de
colloque, le Bauhaus n’est pas apparu comme une expérience figée, se résumant à
quelques éléments formels, répétés inlassablement, mais comme un précédent
toujours vivant. Tous les intervenants ont ouvert des nouvelles pistes de réflexion
sur l’hétérogénéité du Bauhaus qui est certes une icône de la modernité, mais
une icône bien plus différent de ce qu’on aimerait trop rapidement croire. Installée
à Berlin en 2018 sur un bassin de rétention d’eau par le collectif d’architectes
Raumlabor et Contructlab 1
Invités et interventions
Philpp Oswalt, architecte, auteur et ancien directeur de la fondation du Bauhaus Dessau ouvre le colloque en s’interrogeant sur l’actualité du Bauhaus.
Joseph Abram, architecte et historien, évoquera l’oeuvre de Albert Flocon- Mentzel, Du Bauhaus de Dessau à l’École des beaux-arts de Paris,
Bruno Fayolle Lussac, historien de l’architecture, parlera de la réception de l’œuvre de Marcel Breuer à Bayonne
Ana Chatelier, architecte et doctorante en architecture, des circulations de modèles pédagogiques : les professeurs sud-américains en France et l’application de théories « Bauhaus » dans les Unités Pédagogiques d’Architecture 1969-1990.
Jean-Christophe Arcos, commissaire d’exposition et critique d’art, revient sur l’enseignement d’Oscar Schlemmer face à la crise morale
Sigrid Pawelke, docteure en histoire de l’art et études théâtrales s’interroge sur la pédagogie contextuelle et environnementale “Experiments in the environnement” d’Anna et Lawrence Halprin.
Tim Benton, historien de l’architecture, s’intéresse à l’aventure du mobilier
Pierre-Damien Huyghe, philosophe à une certaine idée de laboratoire.
Sophie Fétro, maître de conférences à l’Université Paris 1, s’interroge sur la question du Bauhaus à la HfG d’Ulm : une continuité contrariée
Joanne Pouzenc, enseignante, commissaire indépendante et doctorante en architecture interviendra autour des questions sur l’apprentissage et le travail convivial : l’héritage du Bauhaus dans les pratiques collaboratives contemporaines.
Amélie Lila Merle, docteure en Sciences de l’éducation termine sur le « bon usage » de la crise : Les « leçons du Bauhaus » dans le livre artistique pour enfants.
Françoise Blanc, architecte et enseignante à l’ENSA Toulouse, Dominique Dehais, artiste, professeur à l’ENSA Rouen ainsi que Caroline Maniaque, architecte, professeure à l’ENSA Rouen animeront les débats.
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