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Français
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UTLS - la suite (Production), Moussa Khedimellah (Intervention)
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Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/rgqs-q273
Citer cette ressource :
Moussa Khedimellah. UTLS. (2007, 1 octobre). L'islam en Europe - Moussa Khedimellah , in Islams d'aujourd'hui. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/rgqs-q273. (Consultée le 21 mai 2024)

L'islam en Europe - Moussa Khedimellah

Réalisation : 1 octobre 2007 - Mise en ligne : 30 septembre 2007
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Descriptif

Histoire européenne et histoire musulmane sont denses et souvent liées : "Sans Mahomet, Charlemagne est inconcevable" nous dit l'historien Henri Pirenne. Les liens souvent résumés à leurs aspects belliqueux ont été aussi souvent diplomatiques, culturels et artistiques jusqu’à la seconde guerre Mondiale. La colonisation, l'appel d'une main d'œuvre durant les 30 glorieuses et les nouvelles mobilités des pays du sud ou de l'Est (étudiants, demandeurs d'asile, femmes seules, évènements politiques ...) ont rendu visible et durable la présence musulmane en Europe. Estimée à 15 millions d'âmes, leur présence ou leur intégration en France, en Grande Bretagne, en Allemagne, en Belgique ou en Suisse est différente. Sécularisation et institutionnalisation sont 2 mots clefs. Les attentats du 11 septembre aux USA et ceux de Londres en 2005 ont remis au goût du jour des soucis légitimes de sécurité nationale mais également un élan de préjugés envers cette religion et ses fidèles. Cette courte conférence se proposera de revenir sur cette histoire dense, sur l'intégration de ces citoyens européens et les perspectives qui se dessinent pour le futur.

Intervention
Thème
Documentation

Texte de la 646e conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 1er octobre 2007

Islam et Europe : la croisée des chemins

Par Moussa Khedimellah

Entre la chute du mur de Berlin en 1989, année où l’imam Khomeiny lance une fatwa contre les versets sataniques de Salam Rushdie et où éclatent les premières affaire dites du foulard en France –marquant l’irruption physique dans la sphère publique d’un islam français aborigène-, et la chute des tours du World Trade Center à New York, un tournant s’est joué dans les sociétés européennes au regard de l’intégration politiques des minorités musulmanes. Devenu une réalité démographique, économique et politique incontournable et irréversible, les musulmans européens viennent bousculer une gestion séculaire de la relation entre l’Etat et ses concitoyens. Et un enjeu d’une ampleur inégalé se joue pour le futur de nos société entre un islam des exclus et un islam apaisé des classes moyennes montantes

Retour des refoulés et des imaginaires

Il existe en Europe un retour du refoulé selon le psychanalyste et neuropsychiatre libanais Adnan Houbballah : les croisades, l’islam religion du sabre et de l’épée, Soliman le Magnifique aux portes de Vienne, la colonisation…tous ces faits de l’histoire reviendraient soudainement à la surface avec une passion inouïes depuis 1989 et la surmédiatisation du fait islamique à travers le monde: citons pour exemple de ces réactivations des imaginaires le débat franco-français, devenu depuis européen, sur le projet de loi promulguée le 15 mars 2004 contre les signes ostentatoires à l’école, et dite « loi anti voile » par nombre de musulmans, qui en est une belle expression. L’Andalousie et l’héritage scientifique arabo islamique sont des faits qui viennent, s’il le faillait dé-montrer, le tribu de l’islam à la construction européenne judéo-islamico-chrétienne.

« Sans Mahomet, Charlemagne est inconcevable » nous a dit simplement Henri Pirenne. Les musulmans ne sont pas en reste puisque, de leur côté, un sentiment de haine de l’Occident versus haine de l’islam, quelque fois entretenu par des prophètes de mauvaise augure, souvent autoproclamés alimente cette haine supposée du monde occidental envers les fidèles mahométans comme on les désignait au Moyen- âge.

Se font face désormais aux extrémités de notre monde devenu village, les hérauts d’une conception partagée et en même temps diamétralement opposée résumée par la caricaturale et simplissime conception huntingtonnienne « du clash des civilisations » qui serait irrémédiable : à l’axe du mal répond celui du « grand satan », à la croisade contre le terrorisme répond le Jihad contre les ennemis de l’islam. Nous sommes loin des échanges d’ambassade et de rapports « amicaux » entre Bagdad et Aix la Chapelle, entre le calife Haroun Al Rashid et L’empereur Charlemagne.

Les générations de femmes et d’hommes, nées ou ayant grandi dans les différentes nations européennes, sont devenues un enjeu stratégique pour les décennies à venir en terme d’intégration socio économique et de cohésion sociale. Cette situation inédite à travers l’histoire nous place peut être à la croisée d’un moment de l’islam et de l’Europe pour l’avenir de ces 2 parties : celui de la « naissance d’un islam européen » selon l’expression d’olivier Roy.

L’Européanisation de l’Islam

L’Europe, terre de brassage et d’immigration, a connu pendant les 30 glorieuses un appel ou une venue volontaire massive de populations laborieuses dans les industries de la reconstruction. Ces flux de migrations intensives étaient souvent issus des anciens territoires coloniaux d’Afrique ou d’Asie. La gestion du fait musulman est souvent tributaire de cette vision post coloniale encore opérante dans plusieurs Etats de l’Europe. C’est approximativement le même schéma d’installation des immigrés musulmans qui a prévalu dans la plupart des pays européens. A partir de la fin des années soixante-dix et surtout dans les années 80 avec la sédentarisation des familles de ces ouvriers étrangers en Europe, la pratique musulmane devient de plus en plus visible à travers la vie associative et économique des croyants. Cette visibilisation va devenir ensuite physico-vestimentaire à partir de la fin des années quatre-vingt avec l’apparition chez les jeunes filles des foulards dits islamiques à l’école – et les affaires qui en découlent dans plusieurs pays européens –, mais aussi les barbes ou l’aspect vestimentaire des jeunes hommes notamment chez ceux de certaines associations musulmanes telles que Foi et Pratique, appelée aussi Jama’a Tabligh à laquelle j’ai consacré mon travail de thèse de doctorat.

En termes statistiques, il est difficile d’appréhender qualitativement le nombre de musulmans européens entre les natifs ayant conservés une nationalité étrangère extra communautaire, les citoyens à part entière (par naissance, mariage ou naturalisation), migrants provisoires (étudiants, réfugiés politiques, demandeurs d’asile, sans papiers…). Les lois nationales relatives au recensement des populations sur des bases ethniques ou religieuses diffèrent d’un pays à l’autre ; il est donc difficile de faire une estimation précise, néanmoins, les spécialistes s’accordent pour dire que le nombre de musulmans de l’Europe Occidentale oscille entre 7 et 11 millions. D’un point vue géographique, Europe centrale, les pays de l’Est (Russie- Ukraine) inclus, ce nombre s’élève à 50 millions.

Parmi les 25 membres de l’UE, La France, l’Allemagne et l’Angleterre tiennent le peloton de tête avec un nombre important de musulmans, faisant d’eux la première minorité religieuse nationale. La Belgique, l’Espagne ou l’Italie et la Suisse compte un nombre moins important comparativement sur le versant occidental. Les pays d’Europe centrale, héritiers de l’histoire ottomanes comte encore de forte minorités musulmanes (Albanie, Bosnie, Bulgarie, Grèce dans une moindre mesure). Les pays nordiques (Danemark, Suède) comptent des minorités musulmanes qui sont souvent des exilés politiques. Revenons aux 3 pays qui ont les plus fortes minorités musulmanes de l’UE :

La France compte 4 à 5 millions de musulmans, soit environs 7% de sa population totale. Ils sont citoyens d’origine extra européenne, étrangère ou convertis. En France, l’origine des musulmans est essentiellement d’Afrique du Nord, d’Afrique de L’Ouest et de Turquie. Un Conseil français du culte musulman (CFCM) est né en 2003 après plus de 10 années de tractions et péripéties diverses sous l’égide de Nicolas Sarkozy devenu entre temps, le nouveau président de la République Française. Le CFCM est à comparer au Conseil représentatif des Institutions juives de France né en 1944. On compare souvent à tort le CFCM, au grand Sanhedrin, réuni par Napoléon à l’hôtel de ville et dont on a fêté le 200ème anniversaire en 2006. Le CFCM qui rassemble 3 grandes organisations musulmanes nationales, était intervenu en Irak en faveur de la libération de 2 journalistes français Christian Chesnot et George Malbrunot au moment de leur prise d’otages en 2004 qui s’est bien terminée.

L’Allemagne qui compte entre 2,5 et 3,5 millions de musulmans est un pays fédéral dont chaque länder gère « sa » relation à l’islam qui peut être reconnu comme associations ou mieux, en corporation de droit public lui autorisant le droit de recevoir un impôt en faveur du culte, d’enseigner la religion dans les écoles publiques et de nommer des aumôniers comme c’est le cas dans le Lande de Berlin depuis 2001. Les länder de Bavière sont beaucoup moins enclins à cette ouverture. Les musulmans sont majoritairement issus de Turquie et l’on compte 6 députés musulmans au Bundestag. Actuellement et depuis 2006, la Deutsh Islamic Konferenz (DIK) est une démarche, qui comme sur le modèle du CFCM, vise à institutionnaliser une instance représentative des organisations musulmanes au niveau national.

L’Angleterre compte enfin pour sa part compte 1 à 2 millions de musulmans issus en forte majorité du sous continent indien (Pakistan, Bangladesh). Un aumônier national a été nommé par le premier ministre en 1999 pour coordonner les recrutements des aumôniers. Depuis 1998, les écoles musulmanes sont financées par l’Etat. Le Muslim British Council (MBC) est l’instance représentative des musulmans au Royaume Uni.

Classe moyenne, Mecca Cola et islam virtuel : les « New Young orthodox urban muslims »

La classe moyenne européenne musulmane émergente se sent encore de forts liens avec les pays d’origine de leurs parents (sous continent indien, Turquie, Maghreb, Afrique). Cependant ils s’en sont largement affranchis politiquement et intellectuellement faisant la synthèse d’une double culture européenne et musulmane.

Voici le profil de cette classe moyenne musulmane émergeante : croyants, urbains, cultivés, inscrits dans des parcours professionnels ascendant ou réussis du secteur public (médecins, enseignants, fonction publique), du domaine privé (entrepreneurs, salariés d’entreprises, professions libérales) ou du monde intellectuel (chercheurs, écrivains, artistes). Ils sont souvent les fers de lance d’un « islamic business » où le gain, qui n’est plus un tabou, converge avec des valeurs musulmanes. Cet islamic business basé sur la restauration strictement halal (fidèle aux préceptes de l’islam), le textile (marques de street wear islamic : Marques Saouli en Belgique ou da’wa wear) ou la téléphonie est en plein essor. Ils ont investis également le monde de la finance (banques, courtage, consulting) et contribuent avec des sociétés de gestion de patrimoine, ou des banques à fournir des services fidèles aux critères islamiques : prêt sans intérêt, refus de l’usure citons HSBC, la banque Islamic de Londres ou la Faisal Private banque à Genève. Ce marché du Halal (nourriture, littérature, arts, finance) augmente chaque année en Europe. Il est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros annuels.

L’usage immodéré des nouvelles technologies (NTIC, radio, presse) leur élabore de nouveaux carrefours d’une communauté virtuelle : la « néo-oumma » selon l’expression de Farhad Khosrokhavar. Des sites Internet ( www.oumma.com ou www.islamonline.com , www.islamweb.com), des revues nationales comme Qnews de Fareena Alam au Royaume Uni sont des nouveaux lieux d’échanges de cette communauté de la middle classe musulmane européenne. Les sites dédiés d’intellectuels militants comme Tariq Ramadan (coopté par Tony Blair sur la commission de réflexion contre le terrorisme) ou du télécoraniste Amr Khaled sont les carrefours éminents où se font des rencontres tout azimut. Les stratégies matrimoniales ne sont pas en reste puisque des sites nationaux ou européens de rencontres sont nés et ont déjà permis que des couples transnationaux européens d’être fondés ( www.qiran.com ou www.muslimfriends.com ). Le degré de pratique de ces nouveaux musulmans est très large entre le soft islam et la pratique assidue.

Enfin, la redécouverte d’un patrimoine islamique européen, physique celui la et non plus virtuel, se fait par ces classes moyennes. La découverte de l’Andalousie est devenue presque un cliché pour eux ou pour les nouveaux convertis d’Europe. La visite des grandes mosquées européennes (Rome, Londres, Cordoue, Paris, Genève) par de jeunes couples musulmans est une tendance flagrante de ces nouvelles destinations de vacances, à côté de Dubaï, des Emirats Arabes Unis et de moins en moins du pays d’origine. A côté cette middle class, un groupe moins intégré économiquement se fait jour comme le versus opposé à ces casses montantes.

L’islam des exclus : « Palestiniens de L’Europe » ?

L’étude que j’ai réalisée avec Farhad Khosrokhavar dans les prisons françaises et anglaises a démontré l’impact de ces discours radicaux sur un islam des exclus. En France, la religion musulmane est la première religion carcérale. Cette triste réalité notamment au regard des discours des jeunes musulmans en prison pour association avec des entreprises terroristes montre le lien étroit entre identité stigmatisée, sentiment de discrimination et passage au radicalisme. L’exclusion, dans leur discours, est la première raison au terrorisme européen des générations aborigènes liées au terrorisme islamique. Les réseaux terroristes qui recrutent sont toujours exogènes ; les cibles ? Des jeunes hommes natifs des pays, souvent désœuvrés ou déclassés fréquentant assidûment les mosquées de Londres, Bradford, Paris, Madrid, Rome ou Berlin. Ils ont découverts l’islam dans la rue, en prison ou par le biais de prédicateurs du Tabligh qui ratissent l’Europe ou le monde ou sont convertis. Le jeune âge contraste souvent avec leur jeune âge, ils portent la barbe ou le voile ostensiblement. Ils sont BCBG (Barbe, Chapelet, batônnet de Siwak, Gandoura). Au-delà de cet aspect ludique de la description, ils mettent un point d’honneur à pratiquer l’islam sur le strict mimétisme prophétique (habits, usages, bienséance). C’est une partie infime mais très médiatisée de ces musulmans européens exclus qui a été recrutée par des groupes radicaux à visée terroriste : Hervé Jamal Loiseau en France, Mohamed Bouyeri en Hollande, Amer Azizi en Espagne.

La vague d’attentats en France en 1995, l’assassinat de Théo van Gogh, artiste et cinéaste iconoclaste néerlandais par Mohamed Bouyeri, les attentats de Madrid en 2004 (196 morts), ceux de Londres en juillet 2005 (56 morts) démontre s’il le fallait le passage à l’acte de jeunes musulmans européens dont la liste est longue. Plus d’une centaine de jeunes européens serait actuellement en Irak pour rejoindre les rangs des combattants contre «l’occupant américain ». Le recrutement par des réseaux radicaux liés au terrorisme est souvent le fait d’opérateurs exogènes à l’Europe qui viennent faire leur « marché » en Europe auprès de musulmans désaffiliés, déclassés vivant une exclusion qui les rend vulnérable et poreux à tous les discours d’harangue contre l’Occident et des injustices faites à l’islam par ce dernier : Palestine, Tchétchénie, Bosnie… Les principaux auteurs des attentats à Londres en 2005 sont des jeunes qui sont de citoyenneté britannique et qui oscillent entre classe moyenne et des classes populaires pauvres, les 2 se retrouvant dans le sentiment de vengeance à l’affront fait à leur religion et à leur propre situation socio économique précaire.

Un homme musulman de 35 ans rencontré dans les quartiers de haute sécurité d’une prison française résumait pour sa part sa détermination face à son sentiment de discrimination radicale et son implication dans des réseaux terroristes : « nous sommes les palestiniens de France » ! On retrouve une part non négligeable de ces jeunes dans les mouvances radicales qui se définissent comme « salafiyya » (salafites) ou « wahabbiya » (wahhabites »).

Deux faits d’une importance capitale illustre la crise de la civilisation européenne et l’appréhension qu’elle a de reconnaitre ses minorités : L’érosion de la participation et la crise de la légitimité. L’ensemble des individus, groupes sociaux ou religieux sont touchés par la sécularisation et l’individuation. On « croit sans appartenir » à un temple, une chapelle, une mosquée, une église une synagogue selon l’expression de Grace Davies (« Believing without Belonging »). Les faits et les pratiques se globalisent donc avec le marché et les nouvelles technologies (Internet) mais elles se particularisent de plus en plus par le bas. L’expression de nouvelles identités particulières dans les espaces publiques nationaux est un fait flagrant : l’émergence de groupe revendicatifs sur des bases sexuelles (gays, lesbiens), régionalistes (pays basques, Corse, Irlandais), religieux (bouddhistes, islamiques, évangéliques, chrétiens, juifs loubavitch…) se prouve dans le foisonnement chaque jour plus important des chaines satellitaires dédiées à ces groupes (Pink TV, KTO, Iqra, Breizh TV…). La « glocalisation » (selon Roland Robertson) s’applique à l’islam en Europe également avec un bon exemple : Mecca Cola. Mecca Cola est une boisson qui fait fureur parmi les musulmans européens. Son slogan « Buvez engagé" fait converger des principes éthiques, chers au commerce équitable et un business foisonnant lié aux valeurs de l’islam. 10% du chiffre d’affaire est reversé à des œuvres caritatives palestiniennes et européennes. Une fondation est même née suite au succès de cette boisson. Son fondateur, Tawfik Matlouti, originaire de France est dorénavant à la tête d’une société qui concurrence Coca Cola dans tous les pays du Golfe ou les autres terres d’islam. Le communautarisme supposé des musulmans qui aurait leur propre coca cola est contredit par l’existence d’un Breizh Cola (breton), de Corsica Cola (corse) et d’un Elsatz Coca (alsacien) qui en sont ses pendants légitimes et « glocalisés ».

L’islam de ce point de vue (le cas Mecca Cola le prouve à mes yeux), n’est en rien différent des mouvements de fond de notre modernité tardive : visibilité, individuation, sécularisation, communauté et globalité le caractérise au même titre comme la plupart des faits sociologiques (religieux ou non) marquants de nos sociétés de l’UE.

Des pistes de réflexion

Alain Touraine, auteur notamment du livre « comment vivre ensemble égaux et différents ? » nous dit que notre société post moderne est prise entre des contradictions inédites et des visions du monde diamétralement opposées. « Entre le marché, le djihad et la croisade », « l’accommodement raisonnable » est-il possible ? Pour ma part, il me semble que 4 chantiers devraient être investis de manière urgente par les Etats européens sous peine de voir les émeutes de Bradford, d’Amsterdam ou de Paris se renouveler dans évoquer le passage à l’acte dans des réseaux terroristes de jeunes musulmans qui n’ont plus rien à perdre :

- Garantir le libre exercice du culte à égalité avec les autres religions en présence sans discrimination dans les espaces publics nationaux européens

- Garantir la limitation du droit d’ingérence et /ou d’influence des pays d’origine sur les communautés musulmanes notamment via des financements de lieux de cultes (Turquie, Arabie Saoudite, Maghreb)

- Aider à la création de structures pour la formation des cadres et l’expression d’un leadership représentatif des musulmans (imams, professeurs de religion, intellectuels)

- Promouvoir une égalité de traitement civique et des droits de l’homme en évitant toute forme de discrimination ; l’effet 11/09 ne doit pas être un levier vers moins de démocratie sous nos latitudes. Les musulmans du monde ne devant pas être réduits à la poignée des fous de Dieu parlant en leur nom

La France aura, comme les autres pays européens, l’islam qu’elle mérite comme le dit Bruno Etienne de manière pragmatique. Pour sortir enfin du registre alarmiste, garantir la sécurité des Etats et des personnes, et lutter contre l’islamophobie dont les effets collatéraux sont considérables, ces chantiers devraient être investis. A quand un Spike Lee, un Barack Obama ou un Colin Powell musulman en Europe ?

Entre les idées inquiétantes de « nation » et de « communautarisme » qui prévalent dans l’UE, l’élaboration d’un « accommodement raisonnable » pour un nouvel universalisme européen permettant l’expression des identités, selon la théorie de Charles Taylor, est probablement la voie à creuser pour la minorité religieuse européenne. Investir sur cette base dans les classes moyennes, réduire les exclusions, véritables portes ouvertes au jihad, paraissent d’une priorité absolue dans la géopolitique sensible de notre monde actuel.

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