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- Date de réalisation : 25 Juin 2013
- Durée du programme : 56 min
- Classification Dewey : Sciences sociales
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- Catégorie : Conférences
- Niveau : Tous publics / hors niveau
- Disciplines : Sciences de la société
- Collections : Conférences Pédagogie et numérique
- ficheLom : Voir la fiche LOM
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- Auteur(s) : STIEGLER Bernard
Dans la même collection
















Organologie de la sphère académique
Bernard Stiegler - Directeur de l'Institut de Recherche et d'Innovation du Centre Georges Pompidou
Poser le problème du numérique dans l'enseignement supérieur aujourd'hui, c'est d'abord poser celui de l'organologie de la sphère académique dont le numérique est la dernière période. Bernard Stiegler définit le savoir académique, les conditions de sa production et de sa transmission et propose, pour que la France et l'Europe se saisissent réellement de ces enjeux, une démarche méthodique qui repose sur une nouvelle organologie académique numérique. Cette dernière s'appuie en premier lieu sur une politique massive de recherche sur le numérique, dans toutes les disciplines.
Repenser le système académique dans son ensemble
Universités, institutions de recherche ainsi que d'autres formes de
sociétés savantes, comme Wikipédia, forment ce système académique que le
numérique impose aujourd'hui de repenser. Il ne s'agit pas seulement de
la question de la transmission mais aussi de celle de la genèse des
savoirs que ce système est capable d'engendrer. L'organologie de la
sphère académique a ainsi pour objectif d'étudier parallèlement les
aspects physiologiques, techniques et sociaux qui interviennent dans la
production des savoirs à l'heure du numérique.
Tout savoir académique est peer-to-peer, public et anamnésique
Un savoir académique est un savoir anamnésique, c'est-à-dire auquel on
ré-accède. Pour pouvoir être réactivé, ce savoir doit nécessairement
avoir été extériorisé et spatialisé ce qui le rend transmissible. C'est
tout l'enjeu de la grammatisation, c'est-à-dire de la transformation des
flux mentaux et corporels en extériorisations spatiales qui peuvent
prendre des formes très différentes : peintures sur des parois
rupestres, inscriptions hiéroglyphiques, livres, fichiers électroniques...
Car en effet le savoir n'est reconnu comme tel qu'à la condition de
s'exposer au regard des pairs (par exemple les docteurs de la même
discipline) par le biais de la publication. La réflexion sur le savoir
académique à l'heure du numérique entretient ainsi un lien essentiel
avec les problématiques de l'industrie éditoriale. Mais à un autre
niveau, la publication est aussi le résultat d'un processus essentiel
dans la production des savoirs, celui de la controverse. Réactiver le
savoir, c'est le réinterpréter, et toujours de manière polémique.
Un bon professeur est capable de ramener ses élèves aux origines du savoir qu'il transmet
L'école doit donc faire reparcourir aux élèves toute l'histoire des
savoirs à différentes échelles en mettant en avant la notion de cursus,
de parcours, de boucle de savoir. L'entrée dans le savoir ne peut se
faire que par son origine ; du primaire au supérieur, l'enseignant
introduit les élèves dans les conditions d'élaboration des savoirs qu'il
veut transmettre, le met dans cette position idéale de celui qui
viendra enchaîner sur ces savoirs, qui viendra les poursuivre en les
interprétant.
Une nouvelle organologie académique numérique
Cette dynamique de boucle propre au savoir académique va à l'encontre
de ce qu'on observe aujourd'hui en matière de catégorisation des
savoirs. Les catégories sont des critères qui permettent d'organiser
l'expérience et de la conceptualiser. Or, avec le numérique, le modèle
de la causalité dans l'élaboration des savoirs laisse la place à celui
de la corrélation. La catégorisation s'opère sans herméneutique, sans
polémique. Il en résulte une organologie orpheline sur le plan de
l'éthique et c'est d'ailleurs sur ce type d'organologie que se
développent les MOOCs. Quelle alternative trouver à la catégorisation
automatique par des algorithmes, d'autant plus que ce modèle se donne à
voir comme une manière naturelle de traiter de l'information ? Bernard
Stiegler propose la création d'un nouveau langage informatique qui
permettrait l'indexation, l'annotation et l'éditorialisation
contributives des différentes activités intellectuelles sur support
numérique. Ce nouveau langage laisserait toute sa place à la
confrontation autour des savoirs et donc à la genèse de leur production
toujours renouvelée.
500 thèses sur le numérique, dans toutes les disciplines
Dans un même mouvement, il est fondamental d'étudier les effets du
numérique sur ce savoir. Pour cela, il est nécessaire de faire preuve de
méthode. Introduire le numérique à l'école sans l'avoir introduit à
l'université n'est pas satisfaisant. Une politique massive de recherche
sur le numérique, notamment dans le cadre des doctorats, doit être
lancée. Ce saut épistémique majeur, caractérisé par des recherches
contributives, menées sur des terrains de recherche-action, est
essentiel pour la sphère académique toute entière, de l'université à
l'industrie éditoriale.
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CLAUDE ALIA 27/08/2013 18h46