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Français
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Michaël Neuman (Intervention)
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©FMSH2023
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Citer cette ressource :
Michaël Neuman. FMSH. (2023, 23 janvier). Reconstruire des vies - Vanja Kovačič (présenté par Michaël Neuman) , in Interviews d'auteurs. [Vidéo]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/137764. (Consultée le 13 décembre 2024)

Reconstruire des vies - Vanja Kovačič (présenté par Michaël Neuman)

Réalisation : 23 janvier 2023 - Mise en ligne : 20 février 2023
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Descriptif

Interview de Michaël Neuman, coordinateur du CRASH à MSF, dans le cadre de la sortie de l'ouvrage de Vanja Kovačič « Reconstruire des vies » publié le 1er février 2023.

Ce livre est la première monographie anthropologique qui examine de près les programmes chirurgicaux humanitaires. Il décrit le parcours des victimes de guerre syriennes et irakiennes, leurs blessures, leur traitement médical improvisé sur place, leurs soins à l'hôpital géré par MSF à Amman en Jordanie et leur retour chez eux, en se concentrant sur les non-combattants blessés.

L'autrice étudie la manière dont les employés de MSF et leurs -patients interagissent, et comment ces interactions contribuent à l’immense travail de guérison qui attend les victimes de guerre. Le lecteur découvre des espaces intimes qui sont habituellement fermés à l’observateur : l’hôpital MSF et les maisons des patients, des lieux riches en contacts humains, en perceptions, en émotions, en conflits et en réconciliations.

Reconstruire des vies est le fruit d’une étroite collaboration entre l’autrice et Médecins sans frontières, notamment son think tank interne, le CRASH (Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires), engagé dans une réflexion critique sur les pratiques de terrain.

Ce travail, qui a entraîné un certain nombre de changements opérationnels dans la manière de traiter les patients, est un exemple de l’impact durable que peut avoir la recherche sur la pratique humanitaire.

 

Transcription disponible dans l'onglet Documentation

Intervention
Thème
Documentation

Je suis Michaël Neuman. Je suis le coordinateur du CRASH à Médecins sans frontières. Le CRASH, c'est le Centre de réflexion sur l'action et les savoirs humanitaires. C'est une institution qui est hébergée par MSF depuis le milieu des années 90, qui est comme un think tank interne, et dont les missions sont de faire du conseil auprès des dirigeants de MSF, d'œuvrer à des missions de réflexion et de recherche et de faire de la formation. Le projet de Médecins sans frontières à Amman consiste à prendre en charge des blessés civils de guerre, à faire de la chirurgie reconstructrice, orthopédique et maxillo-faciale. Ce sont des gens qui ont des blessures extrêmement lourdes, qui nécessitent des chirurgies très complexes, de pointe, et des séjours de longue durée. Ce livre, Reconstruire des vies, a été écrit par Vanja Kovačič, qui est une anthropologue slovène, une anthropologue médicale, qu'on a rencontrée à Médecins sans frontières en 2010. Elle a travaillé avec nous une première fois au Kenya, auprès de patients atteints par le VIH, en s'intéressant aux raisons pour lesquelles les patients n'accédaient pas aux structures de soins. Et il nous a semblé, quand on a été saisis de cette question-là par le Département des opérations en 2017, que Vanja était la personne la plus indiquée pour travailler avec nous. Pour mener une enquête au sein de l'hôpital chirurgical de MSF à Amman, en Jordanie, pour travailler spécifiquement à l'étude des relations entre les patients et l'institution. Et de regarder un peu la qualité de ces relations et la manière avec laquelle on pouvait peut-être améliorer les relations entre les patients et l'équipe médicale. L'enquête, elle procède de deux mouvements simultanés. D'une part, cet hôpital d'Amman, qui a été ouvert en 2006 et qui prend en charge des blessés de guerre civile du Moyen-Orient, du Yémen, d'Irak et de Syrie en très grande majorité, a été accompagné par le CRASH, par le centre de réflexion que je coordonne, depuis longtemps. En particulier pour regarder comment se développe la relation de soins, ce que pensent les patients des soins qui leur sont prodigués et comment se déroulent des séjours qui sont longs. Ces gens sont à l'hôpital pour des durées très longues, de plusieurs mois, parfois plusieurs années. Ce microcosme est très intéressant à analyser. Il est aussi vecteur d'un ensemble de problèmes liés à la vie quotidienne, à la cohabitation entre les patients entre eux et entre les patients et l'équipe médicale. Le premier mouvement était de revenir à la relation entre MSF, les soignants et les patients, depuis des demandes effectuées par les équipes. Puis le deuxième mouvement est plus profond et plus structurant, à Médecins sans frontières. Il est celui d'une réflexion sur ce qu'on appelle les soins centrés patients, qui consiste à essayer de réfléchir à la manière avec laquelle on peut mettre les patients au centre des soins. Cette notion-là, finalement, elle est partout dans la société, aujourd'hui. Il s'agit de rééquilibrer un peu une relation qui est très verticale, qui est très marquée par le pouvoir médical entre des médecins et des patients. Le choix a été fait il y a quelques années de réfléchir à la manière avec laquelle on pouvait tenter de modifier la relation de pouvoir entre les patients et les soignants. Il nous a semblé que dans cet hôpital-là, avec un nombre de patients finalement pas très nombreux, un soin très important aussi, accordé à leur individualité, à chacun de ces patients, qui sont là, encore une fois, pendant longtemps., que c'était le bon moteur aussi pour réfléchir à cette question du soin centré patients. Le livre de Vanja suit le chrono de son enquête. Elle a passé beaucoup de temps à l'hôpital d'Amman à étudier les relations entre le personnel et les patients. Et puis, dans une deuxième phase, elle est allée s'entretenir avec les patients, une fois que ces gens avaient été sortis de l'hôpital. Ces gens qui sont des enfants, mais beaucoup des adultes, des hommes et des femmes. Elle est allée leur rendre visite chez eux. Elle est allée en Jordanie, auprès des réfugiés syriens qui résident en Jordanie. Et puis elle est allée aussi en Irak, pour se rendre au domicile de ces personnes et les interroger sur leur perception du projet, comment ils l'appréciaient, ce projet, de manière positive et aussi de manière négative. Voilà un peu comment l'enquête a été menée. Le livre reprend un peu cette chronologie. C'est un livre qui est découpé de manière assez classique, avec un chapitre introductif qui présente à la fois le projet aujourd'hui et l'histoire de la chirurgie à Médecins sans frontières. Il est suivi, ce chapitre, par un chapitre de méthodologie, où elle explique comment elle a travaillé, comment elle a sélectionné les personnes qu'elle a interviewées. Elle a mené pas loin de 170 entretiens, à la fois avec des patients et des soignants. Elle revient ensuite sur l'histoire de ces blessés. C'est un livre qui envisage le parcours de soins comme nécessitant à la fois de prendre en compte les besoins biomédicaux des patients, mais aussi les desiderata globaux des patients. Notamment les dimensions de réinsertion dans leur vie sociale. C'est un livre aussi qui entend revenir sur la vie des patients et les circonstances de leurs blessures, qui sont, pour Vanja, un facteur important de compréhension, afin de mieux répondre aux besoins des patients. La manière avec laquelle les blessures sont survenues dans la vie des patients est à la fois tout à fait indispensable à la compréhension de la trajectoire de soins, mais aussi à la manière avec laquelle les personnes expriment leurs besoins. Et puis c'est aussi le reflet de qui sont ces gens, des trajectoires extrêmement douloureuses qu'ils ont pu traverser, des événements extrêmement traumatisants qu'ils ont traversés. Vanja explique d'ailleurs que ces entretiens ont été parmi les plus difficiles qu'elle ait pu mener dans sa carrière de chercheuse. Il y a cette question des conditions dans lesquelles sont survenues les blessures. Et ensuite, ce que fait Vanja, c'est d'interroger, dans les chapitres suivants, les personnes sur leurs attentes vis-à-vis du projet, leurs appréciations, leurs attentes, au prisme de ce qu'on appelle la qualité de vie. Comment, réellement, le projet a permis d'améliorer, ou pas, la qualité des vies des patients. Vanja va partir d'abord de ce que racontent, de ce que disent les patients. Les patients, dans leur grande majorité, les patients victimes de blessures aux membres supérieurs et inférieurs, les patients qui sont à l'hôpital pour des traitements orthopédiques, expriment un grand sentiment de satisfaction pour les traitements qui leur sont accordés. Par contre, il y a des difficultés plus grandes pour les gens dont les blessures sont visibles. Là où il y a une attention particulière, qu'elle souligne, est sur la dimension esthétique, qui est peut-être sous estimée par l'équipe médicale de Médecins sans frontières, qui met en avant d'abord la réhabilitation fonctionnelle. On s'est aperçus que la dimension fonctionnelle n'était parfois pas la plus importante pour les patients. Et puis il y a la question du suivi. En anglais, on appelle ça le follow up. Mais comment est-ce qu'une fois que les personnes sont sorties du programme, une fois que l'équipe médicale a jugé que les soins que MSF pouvait fournir ont atteint le résultat maximal, comment le suivi est organisé ? Et là, on voit aussi, que ce soit en termes de suivi médical ou suivi psychologique, ou en termes de réinsertion sociale, il y a un manque qu'on pourrait tenter, sinon de combler entièrement, du moins sur lequel on pourrait essayer de travailler un peu davantage. Alors, on espère très clairement que ce livre va prendre place. Il prend déjà place, parce que ce livre a existé, avant d'être un livre, sous forme de rapport, évidemment, au sein de MSF. C'est un projet qui a démarré en 2017. Les conversations auxquelles il a contribué sont nombreuses et sont à prendre sur le long terme. Le nombre de patients blessés pris en charge par MSF n'a sans doute, peut-être même dans le monde, pas d'équivalent. C'est-à-dire que le bassin de recrutement étant au milieu d'une zone très, très conflictuelle, on a cette possibilité de voir un nombre de patients très important. Et à la fois sur des questions médicales, comme sur celles de la relation de soins, on peut envisager effectivement d'offrir, comme ça, une plateforme d'observation très privilégiée pour des gens qui s'intéressent à la prise en charge des blessés qui ont des besoins, encore une fois, particuliers. Parce qu'ils sont à la fois médicaux et qu'ils sont le résultat de leurs blessures et de la manière avec laquelle ces blessures ont un impact très grand dans leur vie quotidienne et dans leur relation avec leur environnement. Ce livre de Vanja Kovačič est au carrefour entre le conseil et la recherche. Il est issu de demandes des opérations du terrain, pour tenter de répondre à des problèmes. On a accompagné cette demande de conseil par un travail de recherche de longue haleine. C'est plusieurs années de travail, d'implication dans le projet, auprès des équipes. Là, on voit l'exemple de ce que peut être un travail de recherche accompagné par le CRASH qui, à la fois, mène des missions de recherche conduites par ses propres membres, qui sont des salariés de Médecins sans frontières et qui ont la particularité tous d'avoir à la fois une expérience opérationnelle et un appétit pour les sciences sociales, et des missions de recherche qui sont menées par des chercheurs de l'extérieur, qui sont des étudiants ou des chercheurs professionnels. Certaines des missions confiées à ces chercheurs le sont par MSF, à la suite d'annonces ou de prises de contact avec des gens qu'on pourrait avoir rencontrés professionnellement auparavant, ou issues de démarches proactives de la part de chercheurs, qui viennent nous chercher avec leurs propres questions et pour lesquelles on va estimer qu'à la fois la question, la qualité de la méthodologie envisagée est suffisamment intéressante pour qu'on facilite l'accès au terrain, à MSF, et qu'on accompagne ces chercheurs dans leur travail. Ces recherches, elles touchent les activités de MSF, que ce soit la santé publique, les rapports de pouvoir, la guerre, la médecine ou les façons de travailler de manière générale. Parmi les rencontres qu'on a pu voir émerger entre le CRASH et les chercheurs, certaines sont le résultat d'une rencontre avec un dispositif de l'EHESS, qui s'appelle l'Ouscipo, qui est l'ouvroir en sciences sociales, et dont l'objet est précisément de créer les conditions d'une rencontre entre des jeunes chercheurs, des masterants et des doctorants, et des structures associatives ou des services publics, en particulier ayant pour mission le bien public. On a pu identifier quelques thèmes de recherche qui ont été menés par des étudiants de l'Ouscipo. Aujourd'hui, Vanja Kovačič est conseillère en anthropologie au sein d'une unité de MSF en Grande-Bretagne.

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