Conférence
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Date de réalisation
Lieu de réalisation

MRSH Caen

Langue :
Français
Citer cette ressource :
La forge numérique. (2017, 5 octobre). Des « Chemins noirs » de Sylvain Tesson au « Livre blanc » de Philippe Vasset : itinéraires dé-paysés. [Podcast]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/131852. (Consultée le 11 octobre 2024)

Des « Chemins noirs » de Sylvain Tesson au « Livre blanc » de Philippe Vasset : itinéraires dé-paysés

Réalisation : 5 octobre 2017 - Mise en ligne : 18 juillet 2022
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Descriptif

Cette communication a été enregistrée lors du colloque Le Dépaysement au XXe et XXIe s. qui s'est tenu à la MRSH de Caen le 5 octobre 2017.

Ancienne étudiante de l’Université Toulouse II Jean Jaurès, Violaine Sauty est agrégée de Lettres Modernes. Elle est actuellement doctorante contractuelle en deuxième année à l’Université Paul Valéry et en cotutelle avec l’Université Libre de Bruxelles. Elle prépare, sous la direction de Marie-Eve Thérenty et de Paul Aron, une thèse intitulée « Écritures de terrains : (en)quêtes d’auteurs dans la littérature contemporaine non fictionnelle ».

Résumé de la communication

L’émergence d’une pratique de terrain dans la littérature française contemporaine fait apparaître de nouveaux protocoles d’écriture. Renouvellement de l’enquête chez Emmanuel Carrère et François Bon, immersion de Florence Aubenas ou journaux d’observation d’Annie Ernaux, le processus de création s’amorce in situ. L’oeuvre de Sylvain Tesson, Sur les Chemins noirs, et celle de Philippe Vasset, Un Livre blanc, mettent au jour une écriture de terrain qui se pratique à pied, une carte à la main. Ces déambulations d’auteurs dessinent une écriture topographique qui prend pour objet la marginalité des territoires : celle, tracée en noir sur les cartes, de ces chemins ruraux qu’emprunte Sylvain Tesson entre le Mercantour et la pointe du Cotentin alors qu’il se remet à peine d’une longue convalescence ; celle des zones blanches des cartes IGN que Philippe Vasset explore une à une dans Paris et sa banlieue. Si cette achromie – l’obscurité des sentiers isolés pour l’un, l’éblouissant néant blanc des périphéries pour l’autre – promet l’égarement, l’itinéraire est toujours sûr : c’est justement le vide des cartes qui guide les auteurs. Noir ou blanc, ruralité ou urbanité, longue marche résiliente ou explorations ciblées, l’apparente antinomie de ces oeuvres s’efface devant cette même particularité : une itinérance en négatif. Il est intéressant d’aborder de telles écritures dans le sillage de l’anthropologie du quotidien et de ses notions de « récits délinquants »1, de « non-lieux »2. En effet, ces marcheurs arpentent les périphéries pour troubler l’espace institué par les centres (centre-ville, centre commercial, centre industriel…) et étonnent le lecteur en renversant la perspective3. Cette communication se proposera donc d’aborder les oeuvres de Sylvain Tesson et Philippe Vasset comme des itinéraires en territoires dé-paysés – l’adjectif étant à saisir selon l’étymologie du préfixe –, dé-paysés4 parce qu’arrachés à l’économie du pays, dans les deux sens du terme : économie politique, économie de l’ensemble. Alors même que ces auteurs cherchent à « échapper au dispositif »5, à « porter le texte là où il n’a aucune place »6, comment concilier l’instabilité fascinante du lieu non-nommé à la fixité du récit imprimé ? Il s’agira donc d’étudier la façon dont ces itinérances de l’évitement transforment l’exploration de l’écrivain et complexifient son rapport au terrain.

1 Michel de CERTEAU, L’Invention du quotidien, I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990 [1980]. Voir également : Michael SHERINGHAM, « Trajets quotidiens et récits délinquants », Temps zéro, nº 1, 2007. 2 Marc AUGÉ, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris, Le Seuil, 1992. 3 Voir Guillaume Le Blanc, L’Insurrection des vies minuscules, « 4 - Aux marges du social », Montrouge, Bayard, 2014 : « Tandis que les sociologues balbutiants dessinent la périphérie depuis le centre, font mourir la périphérie comme l’exténuation du centre, Charlot, en tant que personnage conceptuel, introduit un trouble dans l’espace. Grâce à lui, la périphérie prolifère jusqu’à faire disparaître le centre ». 4 Cette acception du sens de « dépaysement » rejoint pour partie celle de Jean-Christophe BAILLY : « Ce que j’ai tenté, au fond, c’est de creuser cette question, c’est de sonder, le long des pistes d’identification qui venaient à ma rencontre, les étranges et imprévues bifurcations qui survenaient toujours, qui toujours emmenaient le pays au-delà de lui-même, le rendant en quelque sorte infini », Le Dépaysement. Voyages en France, Paris, Le Seuil, 2011, p. 409. 5 Sylvain TESSON, Sur les chemins noirs, « 2. De ruine et de ronces », Paris, Gallimard, 2016. 6 Philippe VASSET, Un livre blanc, Paris, Fayard, 2007, p. 104

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