Notice
MRSH Caen
Des « Chemins noirs » de Sylvain Tesson au « Livre blanc » de Philippe Vasset : itinéraires dé-paysés
- document 1 document 2 document 3
- niveau 1 niveau 2 niveau 3
Descriptif
Cette communication a été enregistrée lors du colloque Le Dépaysement au XXe et XXIe s. qui s'est tenu à la MRSH de Caen le 5 octobre 2017.
Ancienne étudiante de l’Université Toulouse II Jean Jaurès, Violaine Sauty est agrégée de Lettres Modernes. Elle est actuellement doctorante contractuelle en deuxième année à l’Université Paul Valéry et en cotutelle avec l’Université Libre de Bruxelles. Elle prépare, sous la direction de Marie-Eve Thérenty et de Paul Aron, une thèse intitulée « Écritures de terrains : (en)quêtes d’auteurs dans la littérature contemporaine non fictionnelle ».
Résumé de la communication
L’émergence d’une pratique de terrain dans la littérature française contemporaine fait apparaître de nouveaux protocoles d’écriture. Renouvellement de l’enquête chez Emmanuel Carrère et François Bon, immersion de Florence Aubenas ou journaux d’observation d’Annie Ernaux, le processus de création s’amorce in situ. L’oeuvre de Sylvain Tesson, Sur les Chemins noirs, et celle de Philippe Vasset, Un Livre blanc, mettent au jour une écriture de terrain qui se pratique à pied, une carte à la main. Ces déambulations d’auteurs dessinent une écriture topographique qui prend pour objet la marginalité des territoires : celle, tracée en noir sur les cartes, de ces chemins ruraux qu’emprunte Sylvain Tesson entre le Mercantour et la pointe du Cotentin alors qu’il se remet à peine d’une longue convalescence ; celle des zones blanches des cartes IGN que Philippe Vasset explore une à une dans Paris et sa banlieue. Si cette achromie – l’obscurité des sentiers isolés pour l’un, l’éblouissant néant blanc des périphéries pour l’autre – promet l’égarement, l’itinéraire est toujours sûr : c’est justement le vide des cartes qui guide les auteurs. Noir ou blanc, ruralité ou urbanité, longue marche résiliente ou explorations ciblées, l’apparente antinomie de ces oeuvres s’efface devant cette même particularité : une itinérance en négatif. Il est intéressant d’aborder de telles écritures dans le sillage de l’anthropologie du quotidien et de ses notions de « récits délinquants »1, de « non-lieux »2. En effet, ces marcheurs arpentent les périphéries pour troubler l’espace institué par les centres (centre-ville, centre commercial, centre industriel…) et étonnent le lecteur en renversant la perspective3. Cette communication se proposera donc d’aborder les oeuvres de Sylvain Tesson et Philippe Vasset comme des itinéraires en territoires dé-paysés – l’adjectif étant à saisir selon l’étymologie du préfixe –, dé-paysés4 parce qu’arrachés à l’économie du pays, dans les deux sens du terme : économie politique, économie de l’ensemble. Alors même que ces auteurs cherchent à « échapper au dispositif »5, à « porter le texte là où il n’a aucune place »6, comment concilier l’instabilité fascinante du lieu non-nommé à la fixité du récit imprimé ? Il s’agira donc d’étudier la façon dont ces itinérances de l’évitement transforment l’exploration de l’écrivain et complexifient son rapport au terrain.
1 Michel de CERTEAU, L’Invention du quotidien, I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990 [1980]. Voir également : Michael SHERINGHAM, « Trajets quotidiens et récits délinquants », Temps zéro, nº 1, 2007. 2 Marc AUGÉ, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris, Le Seuil, 1992. 3 Voir Guillaume Le Blanc, L’Insurrection des vies minuscules, « 4 - Aux marges du social », Montrouge, Bayard, 2014 : « Tandis que les sociologues balbutiants dessinent la périphérie depuis le centre, font mourir la périphérie comme l’exténuation du centre, Charlot, en tant que personnage conceptuel, introduit un trouble dans l’espace. Grâce à lui, la périphérie prolifère jusqu’à faire disparaître le centre ». 4 Cette acception du sens de « dépaysement » rejoint pour partie celle de Jean-Christophe BAILLY : « Ce que j’ai tenté, au fond, c’est de creuser cette question, c’est de sonder, le long des pistes d’identification qui venaient à ma rencontre, les étranges et imprévues bifurcations qui survenaient toujours, qui toujours emmenaient le pays au-delà de lui-même, le rendant en quelque sorte infini », Le Dépaysement. Voyages en France, Paris, Le Seuil, 2011, p. 409. 5 Sylvain TESSON, Sur les chemins noirs, « 2. De ruine et de ronces », Paris, Gallimard, 2016. 6 Philippe VASSET, Un livre blanc, Paris, Fayard, 2007, p. 104
Thème
Sur le même thème
-
Arctique
DecaulneArmelleAlamelAlexisBailleulPiaBauduHervéCambouDorothéeCanovaEmilieEscachNicolasEscudéCamilleGiraultCamilleGoffinBenoitPicPaulineSalaünJean-ChristopheTaitheAlexandreTroubléRomainTrucOlivierVidalFlorianArctique est une collection de textes de Alexis Alamel, Pia Bailleul, Hervé Baudu, Dorothée Cambou, Émilie Canova, Armelle Decaulne, Nicolas Escach, Camille Escudé, Camille Girault, Benoît Goffin,
-
Partir c’est mourir un peu… Les voyages et la mort dans le monde préhispanique
JohanssonPatrickLa marche – ou le mouvement –, vitale pour l’homme primitif, devient une des premières hiérophanies ou expressions du divin pour l’être humain, au même titre que le soleil, l’eau ou le feu. Voyages,
-
De quelques saints et protecteurs des voyageurs et autres circulants
ValeroAletLa marche – ou le mouvement –, vitale pour l’homme primitif, devient une des premières hiérophanies ou expressions du divin pour l’être humain, au même titre que le soleil, l’eau ou le feu. Voyages,
-
Les chemins de Compostelle, une expression de la sacralisation contemporaine de la marche
Seco LamasManuelLa marche – ou le mouvement –, vitale pour l’homme primitif, devient une des premières hiérophanies ou expressions du divin pour l’être humain, au même titre que le soleil, l’eau ou le feu. Voyages,
-
Viaj'Arte, l'art de voyager
LemaréchalSuzanneIls envahissent les feux rouges, s'apprivoisent les rues, égayent les restaurants, ces artistes itinérants sont partout en Amérique du Sud. Mais qui sont-ils ? Comment voyagent-ils ? Que recherchent
-
L’espace liminal. Frontières et énonciation dans « Les Lumières d'Oujda » de Marc Alexandre 0ho Bam…
BouabibMyriam« Dedans / Dehors » « GlobalMed – La Méditerranée et le monde de la Préhistoire à nos jours. Approches interdisciplinaires et internationales » 2e rencontre du réseau GlobalMed Maison
-
Eloge vagabond de la Méditerranée
FagetDanielÉloge vagabond de la Méditerranée, livre dans lequel se marie étroitement la science d’un chercheur et l’humeur et la sensibilité d’un homme de la Méditerranée.
-
Marrakech, ville des possibles
PeraldiMichelMarrakech, ville de tous les possibles, qui d’une petite ville provinciale est devenue un des « spots » du tourisme mondial.
-
Caractérisation socioculturelle des paysages en territoire métropolitain montréalais : pour une exp…
PaquetteSylvainAu cours des dernières décennies, le tournant de la mobilité a marqué le développement de la recherche en sciences humaines et sociales.
-
Un conteur syrien à Paris en 1709
HeybergerBernardConférence de Bernard Heyberger, Historien (EHESS, EPHE, CéSor), "Un conteur syrien à Paris en 1709".
-
De la zone rouge au camp militaire. Patrimoine mémoriel et naturel
AmatJean-PaulJean-Paul Amat met en lumière les paysages de guerre, traces mémorielles sources de richesses historiques, géographiques et biologiques, qui sont à préserver pour les générations futures.
-
Réflexions finales sur la rencontre "Situer les approches en termes d'ambiance"
Réflexions finales pour clôturer la journée "Situer les approches en termes d'ambiance".