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Français
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UTLS - la suite (Réalisation), UTLS - la suite (Production), عبد المجيد الشرفي (Intervention)
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DOI : 10.60527/bgqd-gf50
Citer cette ressource :
عبد المجيد الشرفي. UTLS. (2007, 3 octobre). Penser l’islam aujourd’hui - Abdelmajid Charfi , in Islams d'aujourd'hui. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/bgqd-gf50. (Consultée le 19 mars 2024)

Penser l’islam aujourd’hui - Abdelmajid Charfi

Réalisation : 3 octobre 2007 - Mise en ligne : 2 octobre 2007
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Descriptif

Les conditions dans lesquelles s’exerce aujourd’hui la pensée islamique sont caractérisées essentiellement par le retard historique des sociétés musulmanes dans 4 grands domaines :

  • la vie politique où règnent le despotisme et le recours à la religion en vue d’acquérir une légitimité dont les régimes en place sont dépourvus
  • la persistance des modes de production archaïques sur lesquels s’est greffée, pour certains pays, la rente pétrolière ;
  • la situation désastreuse de la culture et de l’éducation : taux élevé d’analphabétisme, nombre insuffisant des publications et des traductions, enseignement faisant appel à la mémoire plus qu’au sens critique, etc. ;
  • la structure patriarcale de la famille, la condition inférieure de la femme et la pression des chaînes de télévision satellitaire qui véhiculent un discours obscurantiste.

Au vu de ces conditions sont abordées les questions les plus importantes de la pensée islamique :

  • le rapport à la tradition
  • le statut du Coran et les problèmes d’interprétation
  • la déconstruction du processus d’institutionnalisation de la religion
  • la critique des fondements de ce qu’on appelle la charia

Nous terminerons par quelques propositions concernant les principes majeurs qui devraient guider une nouvelle approche du phénomène islamique.

Intervention
Thème
Discipline :
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Texte de la 647e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 3 octobre 2007 Penser l'islam aujourd'hui Abdelmajid CHARFI Les problèmes de tout genre que rencontrent les musulmans depuis une vingtaine d'années semblent défier toute analyse, tellement ils sont imbriqués. Problèmes démographiques, problèmes politiques, problèmes économiques, problèmes sociaux et problèmes culturels, y compris donc religieux. Bien malin celui qui pourrait affirmer, en toute connaissance de cause, que tel problème est strictement de tel ou tel ordre, malgré les discours proclamés. Il est par conséquent futile de vouloir isoler à tout prix ce qui relève de l'une ou l'autre cause, interne ou externe, historique ou récente, structurelle ou conjoncturelle.
Qu'est-ce qu'on entend communément par penser une religion ? Si penser renvoie à la réflexion et à la critique, à une certaine distance entre le sujet et l'objet, ceux qui pensent l'islam - ou le christianisme ou toute autre religion - sont-ils représentatifs de ceux qui le vivent, qui y croient ? Evitons d'utiliser à leur égard le concept de foi, pratiquement indéfinissable. Disons qu'il s'agit en l'occurrence avant tout d'une croyance. Or, « croire, nous prévient Alain, est agréable. C'est une ivresse dont il faut se priver ». Tout le monde en est-il capable ? Il est permis d'en douter. Cela nous amène à rechercher un autre angle d'attaque afin de mieux comprendre le phénomène islamique aujourd'hui, en ayant toujours à l'esprit que le présent n'est point détachable du passé, aussi bien récent que lointain.
L'islam façonne certes les manières de vivre et de se comporter, individuellement et en société, mais les conditions culturelles, politiques et économiques ne sont pas moins déterminantes de ces manières d'agir et de se représenter les préceptes islamiques eux-mêmes. Il y a, à ce niveau, un va et vient entre la religion et la vie concrète, une dialectique sans laquelle beaucoup de manifestations de la religion seraient des aberrations pures, ou des actes gratuits, fruits d'une imagination débridée.
Sans aucunement prétendre à l'exhaustivité, rappelons brièvement les conditions dans lesquelles l'islam est vécu et revendiqué implicitement et explicitement :
Ce sont, en premier lieu, des conditions d'un retard historique flagrant depuis le XVIIè siècle vis-à-vis de l'Occident, non seulement dans les domaines économique et militaire, mais également dans le domaine scientifique et intellectuel. Héritiers d'une civilisation florissante mais, somme toute, de même nature que les civilisations anciennes, les musulmans se voient confrontés à une nouvelle forme de civilisation commodément appelée la modernité, ayant pour centre l'homme et non Dieu, et pour horizon le progrès et non le bonheur ou la perfection morale. La prise de conscience de ces ruptures radicales avec leur univers mental s'est faite progressivement et dans la douleur. Et le constat de ce retard historique ne cesse de hanter les esprits. Il explique en grande partie les réactions des musulmans à l'encontre d'une modernité perçue comme exogène, pire, comme ennemie et comme agression caractérisée contre leur identité et leur intégrité physique et mentale. A cet égard, l'islam, en tant qu'ensemble de croyances et de formes d'organisation sociale, continue de jouer le rôle de rempart et de dernier retranchement contre des bouleversements subis à une vitesse accélérée.
Le défi à relever supposait une remise en question en profondeur des bases de la connaissance et de l'organisation sociale en vigueur. Mais cette remise en question était entravée - contrairement au cas du Japon lointain et insulaire - par les menaces impérialistes et coloniales des puissances occidentales. Si le colonialisme est partout synonyme de spoliation et d'exploitation, il a été dans certaines contrées davantage que cela, à l'origine de l'émiettement du monde arabe en entités étatiques artificielles souvent non viables (Accords de Sykes-Picot en 1916), une cause de déstructuration totale de la société, comme en Algérie, et de dépossession systématique comme en Palestine.
C'est ainsi qu'il est possible d'identifier quatre grands domaines dans lesquels les musulmans accusent un retard préjudiciable, entre autres, à un aggiornamento de la pensée religieuse :
1) Les régimes politiques, particulièrement dans les pays arabes, sont des régimes fragiles, autocratiques et despotiques, dépourvus de légitimité historique, démocratique et représentative. Ce qui les pousse naturellement à instrumentaliser l'islam en faveur d'une pseudo légitimité religieuse. Evidemment, ils ne peuvent être alors que contestés par une surenchère de caractère également religieux, visant la prise du pouvoir et enfermant de la sorte les sociétés dans un cercle vicieux ne laissant qu'une marge très mince à la contestation purement séculière.
2) Les modes de production archaïques sont dominants. Ils sont les signes d'une économie de subsistance basée sur l'agriculture, le petit négoce et l'artisanat. Sur ces modes archaïques est venue se greffer, dans certains pays, la rente pétrolière, de nature à masquer les problèmes de sous-développement et à retarder les réformes de structure nécessaires. La conséquence de cette situation est que les mentalités n'ont pas évolué sous l'influence d'une industrialisation générale et qu'on a pu se passer, dans les pays producteurs de pétrole, de la main d'œuvre féminine par l'importation d'une main d'œuvre à vil prix venant des Philippines, du Sri Lanka et d'autres pays asiatiques En d'autres termes, et en dépit de différences importantes entre les pays musulmans, les facteurs d'émergence d'une nouvelle vision du monde ne sont pas suffisamment déterminants pour supplanter l'ancienne vision. D'où une cohabitation chaotique des deux visions, source de bien de tiraillements et de tensions.
3) La situation de la culture et de l'éducation est préoccupante. La censure qui sévit un peu partout et le taux élevé d'analphabétisme font que le nombre de livres produits chaque année est dramatiquement bas, ainsi que le nombre de traductions. La recherche scientifique est squelettique et le nombre de brevets d'invention est quasiment nul. Les bibliothèques publiques sont rares et très mal fournies. Les systèmes d'enseignement établis depuis les indépendances sont généralement médiocres. Même dans les cas où les taux de scolarisation sont élevés et correspondent aux normes internationales, les contenus des programmes et les méthodes d'enseignement favorisent l'effort de mémoire plus que la réflexion et le développement du sens critique et l'esprit d'initiative. Il en résulte que l'effort financier, parfois très important, consenti par les Etats ne donne guère les résultats escomptés, et que les générations qui quittent prématurément le système ou qui en sortent diplômés viennent gonfler le flux des chômeurs et des aigris, au lieu d'être les principaux vecteurs d'un changement des modes de pensée et d'action. En matière d'enseignement religieux, et à l'exception notoire de la Tunisie où la pensée islamique est assurée dans les facultés des lettres par des universitaires y appliquant les méthodes des sciences humaines, cet enseignement est partout ailleurs dogmatique et monopolisé par les représentants de l'institution traditionnelle et officielle.
4) La structure patriarcale de la famille, bien que secouée par une urbanisation rampante, résiste tant bien que mal. Les solidarités claniques et régionalistes sont encore très fortes. S'y ajoutent parfois les solidarités confessionnelles (Liban, Syrie, Irak, Egypte...) et même linguistiques (les berbérophones en Algérie et au Maroc) et ethniques (les Kurdes). Et la condition inférieure de la femme se maintient, à de rares exceptions près, par des législations iniques et moyenâgeuses, et aussi par des pressions s'exerçant au nom de l'islam et mobilisant l'opinion publique influencée par les discours obscurantistes véhiculés sciemment par les chaînes de télévision satellitaire détenues en majorité par les capitaux pétroliers et diffusant à fonds perdus, dans le but délibéré de perpétuer les régimes socio-politiques les plus rétrogrades. Le domaine de la santé étant probablement celui où les progrès sont incontestables, il en résulte une démographie galopante qui, non seulement absorbe les fruits de la maigre croissance au lieu d'élever de façon tangible les niveaux de vie, mais génère au sein de la famille et de la société une crise de valeurs réelle, exacerbée encore par la crise de valeurs universelle comme conséquence de la globalisation et du règne des lois du marché et de l'enrichissement individuel rapide et facile quels qu'en soient les moyens.
Ces conditions ne doivent pas, avons-nous dit, être perdus de vue lorsqu'on aborde les problèmes de la pensée islamique en eux-mêmes, car ceux-ci sont influencés, déterminés même, par les circonstances historiques dans lesquelles cette pensée s'exerce. Nous essaierons de le montrer en évoquant les questions les plus importantes auxquelles l'islam est confronté.
La première est incontestablement celle du rapport avec la Tradition dans son sens le plus général. On sait que celle-ci est à la base de la socialisation dans les sociétés appelées justement traditionnelles, où les savoirs, les savoir-être et les savoir-faire sont acquis et transmis tels quels dans le cadre de la famille, du groupe ou de la tribu. Les croyances religieuses et les rites qui leur servent de support font naturellement partie de ce qui est appris et pratiqué dans le respect scrupuleux des formes et des contenus. Ils acquièrent ainsi un caractère d'évidence qui est le ciment des rapports sociaux, et qui les met à l'abri de toute contestation de leur statut sacré.
C'était le cas, en particulier, des sociétés occidentales chrétiennes jusqu'à la fin du Moyen Age. C'était aussi le cas des sociétés orientales à majorité musulmane, mais jusqu'au dix neuvième siècle, avec donc un décalage de 2 ou 3 siècles. Mais si la tradition a été bousculée dans le premier cas de l'intérieur de ces sociétés, sous l'effet progressif et conjugué de la Renaissance, de la Réforme, des Lumières, du mouvement des inventions techniques et des découvertes scientifiques, et de l'industrialisation, ce qui les a amenées à une adaptation plus ou moins harmonieuse avec les nouvelles données, la tradition, dans les sociétés musulmanes, a été remise en cause d'une manière soudaine et brutale, au contact de l'Occident impérialiste. Ayant reçu le choc de la modernité, et n'étant guère préparées aux transformations de tout ordre qu'elle implique, les difficultés d'adaptation se sont multipliées pour elles et ont abouti aux réactions les plus contrastées, allant de la fascination pour tout ce qui est occidental, au rejet pur et simple de tous les apports de la modernité, et surtout des apports des sciences modernes de l'homme et de la société, et de ce qu'elles entraînent comme nouvelle vision du monde et de la condition humaine.
Dans le domaine religieux qui nous intéresse ici, il s'agit au premier chef de redéfinir le statut du Coran. Est-il, ainsi que le proclame la tradition, un texte exclusivement divin dans son contenu et dans sa forme, dicté d'une manière surnaturelle au prophète Muhammad, le rôle de celui-ci étant purement celui de transmetteur passif ? Ou bien le Coran, étant en langage humain, est-il, pour le croyant, divin par son origine et son inspiration, mais également éminemment humain, dans la mesure où la personnalité du Prophète, sa culture et ses conditions de vie individuelle et communautaire ne pouvaient pas ne pas intervenir dans l'élaboration de ce Texte sacré ?
Il est remarquable que la conception mythique traditionnelle de la Révélation est celle qui a le plus cours en milieu musulman. Ceux qui éprouvent des difficultés à l'admettre finissent souvent par un rejet absolu de l'islam, mais subrepticement et discrètement. Pourtant, le croyant peut admettre que le Prophète avait un rapport privilégié avec la divinité, une expérience du divin peu commune dont le discours coranique rendait compte dans un langage imagé, allusif, métaphorique, usant, pour emporter l'adhésion de ses auditeurs, des reprises, des rappels et des répétitions, des récits et des paraboles. Un langage poétique en somme, mais une poésie qui emprunte certes à la prose rimée des devins arabes comme aux procédés bibliques, mais une poésie de haut vol bien particulière qui tranche avec les discours ordinaires.
Le discours coranique est, on l'oublie souvent, un discours oral. Ce caractère est perceptible dans le corpus officiel où il a été consigné, dans le Mushaf ‘uthmânien "réuni", selon la terminologie consacrée, quelques vingt ans après la mort du Prophète. Certains orientalistes de l'école anglo-saxonne notamment, mais pas exclusivement[1], depuis la parution en 1977 de la thèse de J. Wansbrough (Quranic Studies) et du livre de M. Cook et P. Crone (Hagarism), ont défendu l'idée d'une élaboration par des scribes compositeurs tout au long des deux premiers siècles de l'islam, du Texte coranique. Cette thèse ne tient pas. Elle a été d'ailleurs infirmée par la découverte fortuite en 1972 des manuscrits de San‘â, dont certains remontent certainement au premier siècle de l'Hégire. C'est qu'on a voulu, inconsciemment peut-être, appliquer au Coran le schéma qui a prévalu pour l'Ancien et surtout pour le Nouveau Testament. Les "lectures" coraniques, orthodoxes ou pas, et les variantes du Texte scrupuleusement notées par les érudits des IIIè et IVè s. H., témoignent au contraire de l'opération, à maints égards arbitraire, du passage du discours oral au discours écrit, fondé en grande partie sur la mémoire, la calligraphie arabe étant encore déficiente à cette époque primitive.
La situation du discours originel étant irrémédiablement perdue pour les générations qui n'étaient pas contemporaines de la révélation, le rapport au Texte sacré a radicalement changé, quoique progressivement. Le Mushaf est ainsi devenu susceptible théoriquement d'un nombre illimité d'interprétations. Mais, de toutes ces interprétations potentielles, seules celles qui correspondaient aux attentes de leurs auteurs, à leurs valeurs sociétales et généralement à leurs conditions historiques, seules ces interprétations-là se sont imposées comme valables et même traduisant le sens unique du Texte.
Le processus de passage de l'oral à l'écrit, du Qur'ân au Mushaf, n'aurait pas eu des conséquences durables infligeant au texte fondateur des infléchissements et des perversions graves par leur portée symbolique, s'il n'avait pas eu lieu en même temps qu'une quête de justification religieuse et de légitimation des rapports sociaux en usage, et des institutions de l'empire musulman au temps de sa naissance et, plus encore, au temps de son extension et de sa consolidation. En d'autres termes, les interprétations du Coran qui nous sont parvenues dans les premières exégèses datant du IIIè s. H. reflétaient les préoccupations des musulmans après le mouvement des conquêtes et la constitution dans le vaste champ de l'empire des communautés musulmanes d'origine arabe ou converties, beaucoup plus que les préoccupations et les manières de comprendre des destinataires premiers du message prophétique. L'attachement à la littéralité du Texte en particulier ne s'est généralisé qu'à partir du moment où le Coran est devenu pratiquement un code juridique contraignant, en fait plus théorique que réel, d'autres sources de droit lui faisant concurrence et le reléguant au statut de référence ultime plus ou moins fictive.
Cependant, le rapport au Texte tel que nous l'avons défini s'inscrit dans le cadre d'un autre processus beaucoup plus large et aux effets multiformes. Et penser l'islam aujourd'hui consiste en priorité à prendre et à faire prendre conscience de ce processus historique, et à le déconstruire. Une opération difficile qui requiert des compétences de toute sorte, car il n'est guère facile de traverser les couches épaisses et successives des interprétations et des manipulations qui se sont exercées sur le Texte pour remonter au message originel et appréhender toute sa richesse et sa profondeur. Se débarrasser en outre des concepts philosophiques hérités en grande partie de la conscience mythique dominante et des catégories de la pensée grecque qui lui ont été collés au cours des efforts de rationalisation du donné révélé. Le saisir en somme dans sa globalité et dans ses intentions, non dans ses injonctions circonstancielles.
La déconstruction en question remettrait d'abord en cause, renverserait même, l'idée très répandue que les premières générations de musulmans, les "pieux anciens" (as-salaf as-sâlih), avaient une meilleure connaissance et une meilleure application des préceptes de l'islam, et que les générations suivantes sont vouées à s'en écarter toujours davantage. Cette vision n'est plus recevable dans la mesure où l'islam naissant avait besoin de temps pour être intériorisé, qu'il n'avait pas procédé à un lavage de cerveaux, et que les esprits des premiers musulmans étaient encore imbibés de croyances et de perceptions du monde et de la société qu'il était impossible d'effacer d'un coup et de remplacer par celles qu'il apportait. Par ailleurs, elle ne tient pas compte de l'accumulation chaque jour plus importante des savoirs humains et des éléments de la culture universelle, surtout à notre époque. En fait, les premiers musulmans qui avaient en charge de mettre en application ce qu'ils comprenaient de l'islam ne pouvaient le faire que dans le cadre des systèmes cognitifs et sociaux à leur disposition. Leurs solutions étaient dictées par des impératifs qui ne sont plus les nôtres. S'y conformer revient en définitive à couper le lien entre la religion et la vie, alors que le maintien de ce lien est paradoxalement l'objectif déclaré de ceux qui sont attachés à la vénération du passé et des anciens, plus proches à leurs yeux, sans qu'ils se l'avouent, des anges que des humains soumis à une multitude de contraintes, et sujets, entre autres, de désirs, d'ambitions, d'amours et de haines.
Ainsi, la mise en application des préceptes de la nouvelle religion n'a pu se réaliser qu'à travers le phénomène présent dans toutes les traditions religieuses, celui de l'institutionnalisation par trois opérations simultanées :
- la confessionnalisation par laquelle le groupe de la Umma en gestation se démarque des autres groupes confessionnels (juifs, chrétiens, manichéens, zoroastriens, polythéistes, etc.) et se superpose aux anciennes identités tribales par des comportements, des attitudes et des manières de se vêtir, de boire et de manger différentes ;
- la ritualisation qui consiste à tourner le dos à la souplesse et à la spontanéité qui ont marqué la pratique des actes cultuels du temps de la Révélation, pour les remplacer par un ensemble unifié de rites codifiés de façon rigide, auxquels le croyant doit se plier impérativement ;
- et la dogmatisation qui délimite les croyances orthodoxes par rapport aux hérésies et aux déviances. Elle inclut de la sorte les doctrines du Coran incréé, que Dieu est l'unique législateur dont les Fuqahas (jurisconsultes) ne sont que les interprètes de sa Loi, que tous les Compagnons du Prophète sont "honorables" et dignes de confiance, que les actes humains sont prédéterminés, etc.
Il est évident que l'institutionnalisation, sous ces trois formes, ne s'est pas installée du jour au lendemain. Au contraire, certaines de ses manifestations ne se sont imposées qu'au bout de deux ou trois siècles d'affrontements, de débats, de tâtonnements et d'emprunts aux cultures environnantes. Mais son développement et sa logique étaient implacables, car dans la nature des choses, étant donné la forte imbrication du politique, du social, du culturel et du religieux proprement dit.
Dans le même ordre d'idées, on a assisté à une véritable transfiguration de la personne du Prophète, devenu au fil des jours et des années, malgré l'affirmation du Coran qu'il n'est qu'un simple mortel chargé de transmettre le message divin, un être supra humain auquel on a collé tous les idéaux et toutes les aspirations des hommes de son temps, et même leurs fantasmes, sexuels entre autres.
La tradition vivante n'était alors pas suffisante pour alimenter cet archétype dans toutes les contrées islamiques. C'est donc la tradition textuelle qui prit sa place. Le Hadith est né de ce besoin, ainsi que la normativité des actes et des paroles du Prophète, c'est-à-dire la nécessité de se conformer aux moindres faits et gestes de Muhammad consignés au IIIè/IXè s. dans les recueils de traditions prophétiques dites authentiques.
Penser l'islam aujourd'hui c'est aussi, par conséquent, démasquer le caractère trompeur de ces traditions qui prétendent refléter fidèlement les volontés du Prophète, alors qu'elles ne sont, et ne peuvent être, que des représentations influencées, de bonne ou de mauvaise foi, par des facteurs historiques susceptibles d'être analysés et éclaircis, au moins dans leurs grandes lignes et dans leur texture générale, par les méthodes des sciences humaines et sociales modernes.
Il en va ainsi non seulement des autres fondements du droit musulman, en particulier du consensus (i_mâ') et de l'analogie (qiyâs), mais surtout des présupposés qui sont à la base de tout l'édifice des règles jurisprudentielles appelées abusivement la Charî'a. A titre d'exemple, affirmer, à la suite de Châfi'î (m. 204/820) qui ne fait que traduire une conception commune à ses contemporains, que tous les actes humains sans exception doivent nécessairement obéir à l'une des cinq qualifications légales ou statuts (ahkâm) qui sont, par ordre décroissant, l'obligatoire, le recommandé, le permis, le répréhensible et l'illicite, n'est que l'expression d'une situation où tous les aspects de la vie sont sacralisés, autrement dit d'une aliénation dont il est urgent de se débarrasser.
De même, considérer qu'il faut prendre au pied de la lettre les versets coraniques, et ne pas tenir compte des circonstances particulières qui sont à leur origine[2], ou que l'effort de réflexion personnel (i_tihâd) ne s'applique qu'en l'absence de texte explicite[3], ou que le "tawâtur", c'est-à-dire la présence de plusieurs transmetteurs d'une même tradition, conduit à une connaissance certaine, ou qu'il est interdit de revenir sur un consensus élaboré par une génération antérieure, et tant d'autres présupposés similaires, considérer qu'ils sont encore valables aujourd'hui c'est méconnaître qu'ils sont les pièces d'un édifice humain, juridique, social et politique qui avait joué pleinement son rôle dans le passé, mais qui est maintenant tombé complètement en ruine sous l'effet de la modernité.
Cet édifice avait l'avantage de préserver l'équilibre social, de fournir les éléments d'une organisation solide et bien structurée, et, malgré la solidarité qui unissait les tenants du pouvoir politique et les représentants de l'institution religieuse, a su instaurer un certain "Etat de droit", dans la mesure où les hommes politiques - donc le pouvoir exécutif - n'avaient qu'une emprise très limitée sur le pouvoir judiciaire des Fuqahâs, car ils n'étaient pas habilités à "dire le droit", ni même à l'appliquer dans les affaires courantes. Ils avaient, certes, les mains libres dans l'exercice du pouvoir, et n'étaient pas soumis, dans cet exercice, au moindre contrôle. En contrepartie, c'étaient les "gestionnaires du sacré" qui avaient en charge exclusive l'encadrement de la population, qui assuraient la socialisation et l'organisation symbolique et matérielle de la vie en matière de relations familiales, donc de statut personnel : mariage, divorce, héritage, etc., d'éducation, de santé, d'aide aux nécessiteux, de tutelle des orphelins, etc. La solidarité entre les représentants de l'institution politique et les représentants de l'institution religieuse était dictée par les besoins des premiers de jouir d'une légitimité que seuls les seconds pouvaient accorder, et, en contrepartie, par la nécessité pour ceux-ci de bénéficier des privilèges moraux et matériels et de l'appui efficace que leur octroyaient les gouvernants.
On doit reconnaître que l'équilibre instable ainsi instauré depuis le milieu du IIIè/IXè s., est un phénomène particulier à l'histoire de l'islam, et qu'il n'a pas d'équivalent exact dans les autres systèmes juridico-religieux. D'un côté, il a été incapable de produire une théorie du pouvoir fondé sur autre chose que sur la force brutale. D'où l'instabilité et la fragilité qui ont marqué les régimes musulmans successifs. D'un autre côté, il a su préserver en règle générale l'autonomie de ce qu'on appelle dans nos catégories actuelles la société civile, et mettait, malgré tout, un frein puissant à l'arbitraire du pouvoir.
Penser l'islam aujourd'hui c'est donc aussi admettre que ce type d'organisation n'est plus valable, et qu'il est vain de poursuivre la chimère de sa restauration, ainsi que l'ont tenté les Talibans afghans, et que les mouvements islamistes de toute obédience en rêvent, qu'ils soient wahhabites, khomeynistes, Frères Musulmans ou autres.
Il ne convient pas, à ce propos, de mettre en doute leur aspiration authentique, face à des régimes despotiques tentaculaires installés après la chute du Califat et la fin de la colonisation, à limiter les pouvoirs de l'Etat en faveur de l'application de leur conception de la Loi de Dieu. Or, cette aspiration, aussi légitime soit-elle, ne tient pas compte de deux facteurs essentiels, sans lesquels elle s'écroule et n'a aucune chance de réussir. Le premier est que l'Etat-nation moderne est une organisation qui s'impose partout dans le monde, et que même si on essaie de s'en échapper c'est par l'intermédiaire d'un dépassement dans le cadre d'entités politiques plus larges, à l'instar de l'Union Européenne, ou par le moyen des conventions internationales super étatiques, mais jamais par le retour au système d'Empire dont les frontières s'étendent et se rétrécissent en fonction des rapports de force, et qui admet la coexistence en son sein de législations différentes, notamment sur une base confessionnelle. Le second facteur est la fiction d'une Loi divine dont les hommes qualifiés, les Ulémas, ne sont que les interprètes fidèles. La connaissance historique moderne, chaque jour plus affinée, s'est chargée de détruire cette fiction, en montrant le caractère humain, trop humain, du Fiqh dont les prescriptions sont déterminées par les contextes culturels, sociaux et économiques d'une époque bel et bien révolue.
En d'autres termes, le despotisme qui sévit dans le monde arabo-musulman ne peut-être combattu efficacement qu'à l'aide de contre-pouvoirs institutionnels dont la forme de l'Etat califal traditionnel était dépourvue. Les moyens de surveillance, de contrainte et de coercition dont dispose le pouvoir politique dans les Etats du XXIè s. ne peuvent plus être tempérés par l'autorité religieuse, impossible à rétablir alors que la sécularisation est une vague de fond à laquelle aucune société moderne ou en voie de modernisation n'échappe, et qui traverse toutes les sociétés en atteignant non seulement les modes de vie, mais également les éléments de la culture et la vision du monde. Quant à la place de la Charî'a, elle est obligée de la céder au profit du droit positif, chose déjà faite pour la majorité des domaines du droit, et ne résistant plus à son emprise, dans les esprits plus que dans les faits, que le statut personnel et certains résidus de la justice pénale traditionnelle concernant le vol, l'adultère, la consommation du vin et accessoirement l'apostasie.
Parce que les musulmans dans leur ensemble ne sont pas en mesure de s'approprier les acquis de la modernité dans un rapport de force qui leur est favorable, comme c'était le cas aux premiers siècles de l'islam lorsque les Arabes avaient emprunté facilement pas mal de faits de civilisation aux peuples voisins, ils ont peur de ne plus être de bons musulmans en s'écartant des normes ancestrales. Une vision essentialiste de la religion s'installe donc, partagée d'ailleurs - notons-le au passage - par les tenants du fameux "choc des civilisations", plus digne d'être appelé, à la suite d'Edouard SAÏD, choc des ignorances, et qui rappelle plutôt la pensée moyenâgeuse selon Norman DANIEL, un excellent connaisseur du Moyen Age latin. Le paradoxe est que beaucoup d'Occidentaux, qui utilisent à propos de n'importe quel sujet les paramètres de la modernité, butent, dès qu'il s'agit d'islam, sur les clichés et les stéréotypes qui ont cours à son sujet, comme s'ils avaient encore en tête les conflits et les tensions qui ont jalonné dans le passé les rapports du monde musulman avec la chrétienté.
Il n'est pas question, bien évidemment, qu'ils se substituent aux musulmans dans leur effort de renouveler la pensée islamique, mais on est en droit de leur demander moins de condescendance et de paternalisme, pour ne pas parler de racisme, et qu'ils soient solidaires des courants qui, de l'intérieur de l'islam, essaient d'arriver à son aggiornamento, d'autant plus que l'islam est devenu une composante incontournable du paysage européen lui-même, et que la crise de la pensée islamique rejaillit inéluctablement, si elle s'exaspère, sur la démocratie occidentale et risque de remettre en question la notion de droits humains chèrement acquise.
Nous osons affirmer, quant à nous, qu'une nouvelle interprétation du Coran et des textes fondateurs est non seulement possible mais qu'elle est plus fidèle à l'esprit et à l'objectif ultime du message muhammadien. Nous retenons à cet égard deux principes majeurs qui devraient guider la lecture du Texte sacré :
- Le premier est que la "clôture de la prophétie" proclamée par Muhammad signifie, ainsi que l'a proclamé le premier, dès 1928, M. IQBAL, le grand philosophe, poète et mystique indien, mort en 1938, la fin du besoin qu'a ressenti l'homme depuis la nuit des temps de s'appuyer sur les forces surnaturelles dans la conduite de ses affaires[4]. C'est ce que nous avons appelé, pour notre part, le "scellement de la prophétie de l'extérieur"[5], une décision qui ouvre des horizons illimités où s'exercent pleinement la liberté individuelle et la responsabilité personnelle du croyant, toutes deux affirmées avec force dans le Coran.
- Le second principe majeur est la contextualisation des versets auxquels on a appliqué abusivement un caractère législatif, alors qu'ils ne contiennent en réalité que des exhortations morales et des réponses à des problèmes circonstanciels vécus par la première communauté musulmane. Rappelons d'ailleurs que la signification du char', de la chir'a ou de la charî'a est la voie, la direction à suivre, mais nullement un code juridique divin strict et figé, révélé définitivement et pour l'éternité. Ce sont bien les Fuqahâs qui ont considéré et fait croire que leurs interprétations et les prescriptions qu'ils édictaient sont l'expression de la volonté divine.
Sans remettre en cause la bonne foi des Ulémas de l'islam classique, on ne peut néanmoins ne pas remarquer qu'ils étaient sous la coupe d'une aliénation mentale qui les empêchait d'affronter la réalité dans sa nudité et d'admettre la fragilité de l'ordre social humain. Si les anciens avaient besoin d'intérioriser la sacralité des institutions sociales de leur milieu, en particulier dans la régulation des relations sexuelles, en les organisant au sein de la famille, et dans la légitimation religieuse du pouvoir politique, le musulman moderne, comme tous les hommes de notre temps, ne peut pas continuer à ignorer le tragique de sa condition et à faire comme si les conquêtes de la connaissance aux derniers siècles n'avaient pas réussi à dévoiler les subterfuges par lesquels l'humanité a essayé dans le passé d'échapper au chaos qui guettait les relations sociales, en parsemant la vie de toutes sortes de tabous.
L'urgence de la prise de conscience de ce changement radical de perspective n'est pas dictée uniquement par des considérations théoriques. Ce sont les réalités de notre temps qui démontrent l'impossibilité du retour aux normes et aux pratiques ancestrales. Dans cet ordre d'idées, il nous suffit de nous arrêter sur les rapports hommes/femmes qui sont, avec le pouvoir politique, au centre des intérêts des islamistes et qui sont un sujet récurrent dans les publications, les prêches et sur Internet. Les considérations morales sont mises en avant à tous les coups lorsqu'il s'agit de perpétuer ces rapports inégaux. Les fondamentalistes sont hantés par le corps de la femme. Ils fantasment sur les attributs féminins et occultent la dimension humaine, personnelle et intellectuelle, de la femme. Toutefois, ils oublient à ce propos que la morale n'est qu'une construction humaine susceptible d'évolution dans le temps et dans l'espace, et qu'elle est liée aux conditions historiques qui la font admettre par le plus grand nombre. La relativisation des mœurs est pourtant inscrite dans l'évolution des sociétés. En l'occurrence, on n'a même pas besoin de recourir aux thèses féministes ou aux résultats des gender studies pour constater l'inégalité foncière qui frappait tous les membres des sociétés traditionnelles sans exception, les femmes étant placées dans tous les cas au bas de l'échelle sociale, juste avant les esclaves, avec des droits et des devoirs moindres que ceux des hommes libres.
Cette inégalité n'est plus de mise de nos jours, ainsi d'ailleurs que la pauvreté, perçue autrefois comme une fatalité et rejetée maintenant comme une atteinte à la dignité. Cependant, même si la femme musulmane citadine était cloîtrée et obligée de se voiler complètement dans la rue, et même s'il était admis que l'homme pouvait se marier avec quatre femmes à la fois, la polygamie était loin d'être la règle, pour la simple raison que le sex ratio humain est toujours le même à travers l'histoire et les pays, et que c'étaient seulement les circonstances particulières, notamment les guerres, qui le changeaient et augmentaient le nombre des femmes par rapport à celui des hommes. De même, les mariages se déroulaient généralement à un âge précoce, et les remariages pour cause de divorce ou de décès du conjoint étaient très courants, les enfants en bas âge étant systématiquement à la charge de la famille élargie. En outre, les rapports sexuels entre les hommes libres et les femmes de condition servile n'étaient soumis pratiquement à aucune restriction. Il y avait donc, malgré tout, dans l'histoire musulmane une satisfaction sexuelle indéniable, confondue par les missionnaires chrétiens du XIXè s. avec la dissolution des mœurs, le rattachement du sexe au péché originel et le célibat, même chez les mystiques, étant inconnus en milieu musulman.
Une simple comparaison avec la situation actuelle fait ressortir à ce niveau des différences fondamentales entre le passé et le présent des sociétés musulmanes. L'émergence de la famille nucléaire, les difficultés pour les jeunes couples de trouver un logement, le prolongement de la durée des études, le travail féminin en dehors du foyer, avec pour corollaire le recul de l'âge du mariage, autant de facteurs qui sont de nature à bouleverser les normes du passé. Mais les mentalités tardent à suivre le mouvement de ces changements, l'homme rechignant à renoncer à sa supériorité juridique et à ses privilèges. C'est ainsi, par exemple, que, sous la pression de l'opinion publique, la virginité de la jeune fille est toujours exigée lors du mariage, que la dot est inscrite dans le droit positif comme dans le fiqh, bien que les raisons de son institution aient disparu, ainsi que le délai de vacuité pour la femme veuve ou divorcée, alors qu'un test banal est capable de déterminer si la femme est enceinte ou non. Et l'on assiste chez les jeunes à une frustration sexuelle dont l'illustration parfaite est fournie par les événements du Caire au cours des deux premiers jours de l'Aïd en Novembre 2006, qui ont vu des bandes de jeunes harceler de façon inouïe dans la rue les femmes de tout âge et de toute condition, voilées ou pas[6]. Les discours des représentants de l'institution religieuse et des nouveaux prêcheurs de télévision prônant la chasteté et appelant les femmes à se voiler afin d'éviter la tentation, mais admettant toujours la supériorité ontologique masculine, et n'ayant en vue que l'intérêt égoïste et mal compris des hommes, ne sont manifestement d'aucun secours.
Penser l'islam aujourd'hui c'est donc, dans ce domaine vital, contextualiser les versets coraniques qui semblent constituer une entrave à la reconnaissance pleine et entière de l'égalité entre les sexes. Comme en matière de reconnaissance de la liberté de croyance, d'autres versets et de nombreux exemples dans la vie du Prophète vont dans le sens de cette exigence d'égalité. Il n'y a guère de nécessité de les solliciter outre mesure dans ce sens, car ils sont en harmonie avec l'esprit du message prophétique et avec sa visée fondamentale qui est, rappelons-le, la promotion de la liberté individuelle et de la responsabilité personnelle, sans aucune distinction de sexe, de couleur ou de condition sociale.
Notre conviction intime et profonde est que l'islam peut-être interprété et vécu en conformité avec les valeurs de la modernité et le respect des droits humains universels et inaliénables. Les combats d'arrière-garde que mènent les islamistes et les gouvernants qui instrumentalisent la religion à des fins politiques et idéologiques sont en contradiction avec l'épanouissement spirituel recherché par tout musulman honnête et conséquent. Ils sont également en contradiction avec la sérénité qui imprègne les façons multiformes dont les masses musulmanes, dans leur majorité, vivent un islam ouvert et tolérant, ni dogmatique, ni ritualiste, ni rigoriste, ni littéraliste. Il y a là, à n'en pas douter, des signes d'espoir à cultiver et à encourager, non seulement par la diffusion de la bonne parole dans les médias et les programmes d'enseignement, et par la vulgarisation des résultats de la recherche académique, mais aussi et surtout en s'attaquant aux causes profondes des blocages, des tiraillements, des injustices et des humiliations que vit le monde musulman.
[1] - Voir à ce propos nos deux textes parus dans Alfa, IRMC, Tunis (2005) et Prologues, Casablanca, n° 34 (2006) concernant le livre de A.-L. de Prémare, Les fondations de l'islam, Paris, Seuil 2002.
[2] - C'est le principe que résume la formule célèbre ______ _____ _____ __ _____ _____ .
[3] - Il s'agit du fameux principe lourd de conséquences : __ ______ ____ ___ __.
[4] - M. Iqbal, Six lectures on the reconstruction of religious thought in islam, Lahore 1968, p. 126.
[5] - A. Charfi, L'islam entre le message et l'histoire, Tunis, Sud Editions-Paris, Albin Michel 2004.
[6] - Voir, par exemple, l'article de Iqbâl al-GHARBI, Hawla-l-intifâdha al-_insiyya fî Misr, sur le site elaph.com, le 13 nov. 2006. L'Egypte n'est évidemment pas la seule concernée par cette frustration. Cf. pour l'Algérie : Zoulikha MERED, « Colinguisme et langage de connivence. Les noms de la femme dans l'argot des jeunes en Algérie », dans Insaniyet, n° 32-33, CRASC, Oran (Avril-Septembre 2006), pp 111-126.

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