Notice
Valeur objectale de la monnaie chez Tolstoï : quelques pistes à partir du Faux coupon
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Descriptif
Si le rôle de l’argent dans les romans de Dostoïevski a pu susciter de nombreuses études, qui ont souligné la dimension omniprésente de la monnaie dans ses écrits (voir notamment Ollivier, 1971 ou encore Haddad 2014), peu d’études se sont intéressées à la place de la monnaie dans l’œuvre de Tolstoï. Le romancier russe fut pourtant, à la fin de sa vie, l’auteur de plusieurs textes dans lesquels il expose sa critique des inégalités sociales de son temps et la place mortifère de l’argent dans un système qui confine à « l’exploitation et à la violence ». Dans les textes rassemblés sous le titre L’Argent et le Travail, qui furent publiés pour la première fois en 1892 aux éditions Flammarion grâce au travail de compilation réalisé par Ely Halpérine-Kaminsky, préfacés par Emile Zola, Tolstoï identifie ce qui constitue à ses yeux le problème central de la société russe de la fin du dix-neuvième siècle à savoir l’argent, symptôme et moyen d’asservissement du peuple.
Notre étude s’intéresse au statut de la monnaie comme objet dans les textes littéraires (romans et nouvelles) de Tolstoï en se concentrant sur une de ses dernières nouvelles, relativement peu connue, Le Faux-Coupon. Cette nouvelle d’une centaine de pages au rythme saccadé met en scène un ensemble d’acteurs réunis par les conséquences en chaîne de la circulation d’un faux coupon écoulé par un fils de bonne famille. Tolstoï ne s’appesantit pas sur les personnages qui se succèdent rapidement. Leur psychologie est à peine esquissée et ce qui les pousse à l’action est pour ainsi dire occulté. L’écrivain se contente de relater une succession d’événements affectant ceux qui ont à subir les conséquences du comportement malhonnête de Mitia. Le jeune homme a falsifié un coupon afin de rembourser une dette contractée auprès d’un ami. Le rythme rapide du récit accentue la force d’une parabole visant à montrer qu’aucune action n’est insignifiante et que l’homme est responsable de toutes les conséquences qui peuvent en découler sans qu’il soit possible de les imaginer a priori et encore moins de les anticiper toutes. Dans cette nouvelle le faux-coupon constitue un personnage crucial passant de mains en mains et apportant le malheur avec lui. Notre analyse mettra en relation la place particulière de ce faux-coupon avec le statut usuel que le romancier octroie aux objets dans ses autres œuvres, statut appréhendé comme foncièrement négatif selon les spécialistes de littérature russe à l’instar de Luba Jurgenson et Laure Troubetzkoy. Les objets décrits ou mis en scène par Tolstoï perdraient leur valeur d’usage pour mieux souligner les vérités immatérielles que l’auteur veut exprimer. Nous proposons ainsi en prêtant attention au statut et à la représentation de la monnaie dans le Faux Coupon de souligner sa portée éminemment critique et philosophique faisant écho aux analyses proposées dans L’argent et le Travail.
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