Notice
Richard Rechtman
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Descriptif
Je m'appelle Richard Rechtman, je suis psychiatre et anthropologue, directeur d'études à l'EHESS. Je travaille sur l'anthropologie des subjectivités et, depuis de très nombreuses années, sur les crimes de masse, les génocides, les traumatismes liés à ces violences extrêmes, aussi bien du point de vue des victimes que travaillant aussi sur les auteurs d'atrocités. Ce réseau que j'ai contribué à créer s'appelle RICEVE, qui veut dire Réseau international de chercheuses et de chercheurs à l'épreuve des violences extrêmes. Jusqu'à présent, on s'est souvent posé la question de savoir que produisait la violence extrême, bien sûr, sur les chercheurs et les chercheuses qui travaillaient dessus. Qu'est-ce que ça fait comme effet de travailler sur des thèmes aussi difficiles ? Et aussi comment on fait pour sélectionner les matériaux sur lesquels on va travailler et ceux que l'on va diffuser quand il y a des images absolument horribles ? Le chercheur est obligé de les regarder, de les visionner un nombre de fois considérable, jusqu'à l'écœurement parfois. Mais il ne va pas faire part de cet écœurement, il ne va pas faire part de sa sélection. Les psychiatres américains, ça a été repris par certains psychiatres français, ont inventé une notion pour décrire l'effet que ça faisait, qui s'appelle le traumatisme vicariant, qui est l'équivalent de l'état de stress post-traumatique de la nomenclature américaine et qui traduit une réaction singulière qui serait le même traumatisme que ceux qui ont vécu les choses les plus épouvantables. C'est une notion sans doute utile pour ceux qui présentent un certain nombre de symptômes, mais ça ne réduit pas, à mon sens, le fondement même de ce que la violence produit sur ceux qui l'expérimentent, ne serait-ce qu'à travers leur travail de chercheur. En partant du principe que, justement, le traumatisme vicariant est une possibilité parmi tant d'autres, mais n'est pas l'objet, justement, sur lequel nous souhaitons travailler dans ce réseau, puisque ce qu'il s'agit de faire, c'est de prendre au sérieux le fait que la violence a des actions bien au-delà des corps qu'elle martyrise, sur le corps social, sur les témoins, sur les descendants des témoins. Il ne s'agit pas de prendre cette notion de traumatisme comme le seul fait, mais de comprendre qu'il y a là une matière scientifique, empirique, sur laquelle il convient de travailler. Alors, on a décidé de prendre ça à bras le corps et d'en faire un objet scientifique, c'est-à-dire de se poser la question : comment on va le travailler ? Jusqu'à présent, je dirais que la plupart des chercheurs et chercheuses confrontés à ce qu'ils ressentaient le gardaient pour eux ou ils allaient en parler avec un psy ou en discuter entre eux. En fait, on s'est rendu compte qu'il ne s'agissait pas d'un travail psychologique ni d'un travail psychiatrique. Il s'agit pas de remettre cet événement dans l'histoire de chaque sujet, mais d'essayer de comprendre la spécificité que ces actes de violence vont avoir chez ceux qui en sont les témoins comme étant justement ce qu'est la violence parmi toutes les formes de violence que l'on peut avoir. Alors pour cela, il ne faut évidemment pas une seule pensée. Il faut plein de pensées parce que vous avez des historiens, des anthropologues, vous avez même des géographes, vous avez des politistes, des sociologues qui s'intéressent à ces questions. On s'est dit qu'il fallait mettre ça en commun et vraiment produire un travail commun sur un objet qui, jusqu'à présent, n'existait pas et qui pourtant, empiriquement, existe incontestablement. Donc, créer un réseau international était pour nous la solution idéale parce que ce n'est pas un programme de recherche, il va y avoir de la recherche. Ce n'est pas un programme de soutien, il va y avoir du soutien. On va aider un certain nombre de chercheurs qui peuvent être en difficulté du fait de ce qu'ils expérimentent, mais pas que des chercheurs : des avocats, des journalistes, tous ceux qui sont confrontés à cela. Vous savez, les avocats qui travaillent auprès de la justice pénale internationale ressentent des choses parfois terribles, les traducteurs également. Et on s'est dit que tout cela, il fallait qu'on puisse trouver les moyens de le mettre en commun avec différents types de dispositifs qui seraient susceptibles de répondre à cela : la recherche, un objet scientifique et des modalités pratiques et concrètes sur les années pour essayer, effectivement, de faire exister cette thématique et surtout d'en tirer les conséquences aussi par rapport à ce qu'est la violence de façon générale et ce qu'elle est capable de produire sur des collectivités, des individus, des groupes, des hommes, des femmes, des enfants, et de savoir la prendre en considération.
Thème
Documentation
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