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MRSH Caen

Citer cette ressource :
La forge numérique. (2020, 14 février). Le dispositif de la lettre ouverte dans "Letter to Jane". [Podcast]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/131727. (Consultée le 11 juin 2024)

Le dispositif de la lettre ouverte dans "Letter to Jane"

Réalisation : 14 février 2020 - Mise en ligne : 12 juillet 2022
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Descriptif

Cette communication a été enregistrée dans le cadre du colloque Godard à la lettre organisé par l'équipe du LASLAR à la Maison de la Recherche en Sciences Humaines de l'Université de Caen Normandie.

Philippe De Vita est docteur en langue et littérature françaises et chercheur associé au Laboratoire POLEN de l'Université d'Orléans. Ses recherches portent sur les relations entre cinéma et littérature. Il a publié deux ouvrages : Jean Renoir épistolier. Fragments autobiographiques d'un honnête homme (2015) et "Penser vers l'autre" : Godard en entretien (2017) aux éditions L'Harmattan. Il publie en mai prochain un Dictionnaire Jean Renoir. Du cinéaste à l’écrivain chez Honoré Champion. Il est membre du comité de rédaction de la revue Epistolaire. Il a participé à une vingtaine de colloques depuis 2014.

Alors que Godard tend à sacraliser l'image, il condamne souvent le mot pour son caractère sclérosant et autoritaire. Cette critique apparaît comme un déni pour ce cinéaste qui, comme d'autres membres de la Nouvelle Vague, a rêvé d'être écrivain comme un idéal inaccessible. Ses films témoignent d’une imbrication de l'écrit et du visuel, en particulier ses films vidéo qui incrustent fréquemment des mots sur les images.

Dans Letter to Jane, Godard et Gorin affichent leur désir d'échanger avec l'actrice Jane Fonda pour refonder l'engagement contre la guerre au Viet-Nam. La forme épistolaire devrait permettre de donner une cohérence au film, de donner du naturel au discours, de proposer une parole plus vivante qu'un traité théorique et de sembler « penser vers l'autre » dans une perspective lévinassienne. Telle est en tout cas l'apparence du dispositif de la lettre ouverte choisie par les auteurs.

S'il y a dialogue dans ce film-lettre, ce n'est pas avec l'allocutaire apparent, mais dans la mise en correspondance entre le discours en voix-off, la photo de Fonda parue dans la presse et les images de Tout va bien. C'est dans cette perspective que le film retrouve la souplesse de l’épistolaire, marqué par une « logique de l’interface », qui rapproche la lettre du montage.

De plus, grâce à la forme ouverte et fragmentaire de la lettre, Letter to Jane présente la pensée de Godard et Gorin comme une esquisse marquée par le virtuel et l’optatif. Le film critique les limites de Tout va bien et cherche à formuler ce qu’il faudrait faire pour poursuivre un cinéma politique tout en mettant en œuvre ce dernier. Le film est en partie marqué par ce que Nicole Brenez appelle le « paradoxe inchoatif »  : le film qui serait à faire se confond progressivement avec le film en train de se faire, le film déjà fait, le film impossible à faire. Godard et Gorin retardent le moment de l’analyse formelle de la photographie de Fonda insérée dans la lettre. Le long préambule leur permet de s’interroger sur les moyens et les raisons d’étudier la photographie. Simultanément, ils procèdent déjà à l’analyse de celle-ci et leur réponse au questionnement consiste à prolonger leur jouissance de l’adresse à Fonda.

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