Notice
Pierrot Guéguen, capitaine voyageur. De la rivière d’Etel à la mer de Java
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Descriptif
Heureux qui comme Ulysse
A fait un beau voyage
Heureux qui comme Ulysse
A vu cent paysages
Et puis a retrouvé
Après maintes traversées
Le pays des vertes allées
(Heureux qui comme Ulysse, chanson de Georges Brassens, paroles de Henri Colpi, 1970).
Je rencontre à plusieurs reprises Pierre Guéguen, dit Pierrot Guéguen, dans sa maison de Plouhinec dans le Morbihan avec vue sur la rivière d’Etel en 2021. De sa fenêtre, il peut observer les oiseaux comme il l’a toujours fait quand il commandait de gros chalutiers à l’étranger, curieux des nouvelles espèces d’oiseaux comme de poissons qu’il a beaucoup photographiées dans ses voyages au long cours. Enfant, il apprit à godiller à Etel, port très actif à l’époque où il put apercevoir les derniers bateaux à voile. Dès l’âge de 6 ans, il partit une journée en mer avec un vieux pêcheur, mais c’est surtout à 12 ans qu’il embarqua l’été 1949 avec son père, patron du thonier Marie-Armelle pour des marées d’environ 17 jours afin de pêcher le thon vers Ouessant jusqu’en Irlande. En tant que mousse, il était le premier à se lever tôt pour préparer le café et griller deux tranches de thon à chaque matelot afin que ceux-ci prennent des forces avant d’attaquer la journée. À cette époque, la rivalité entre les thoniers d’Etel et ceux de l’île de Groix était grande. Les femmes travaillaient quant à elles dans les conserveries de poisson locales, nombreuses à l’époque, tandis que certaines tenaient des bars-épiceries, mais toutes possédaient un champ de pommes de terre et un cochon dont elles s’occupaient pendant que leur mari ou leur fils était en mer.
À 15 ans, livret professionnel maritime en poche, Pierrot Guéguen embarque comme matelot sur des chalutiers de 40 mètres. À 17 ans, il recevra un « paquet de mer » qui le fera tomber à l’eau, mais toujours « gaillard », il parviendra à remonter sur le bateau. Il sera dans sa vie de marin témoin de plusieurs accidents ou même de naufrages, et aura l’occasion de « recoudre » certains de ses matelots, mais sa plus grande fierté en tant que patron réside dans le fait de n’en avoir jamais perdu aucun. Lorsqu’à 23 ans il devient « patron remplaçant », il connaît « la chance du débutant » et fait une pêche miraculeuse. Cette réputation de bon patron ne le quittera plus. Mais être un bon patron demande des qualités particulières, notamment savoir explorer les fonds rocheux pour chercher du poisson. De plus, derrière un bon patron se cache un bon bosco ainsi qu’un bon équipage prêts à travailler 48 heures en continu pour réparer le chalut puisque pêcher sous les « cailloux » entraîne nécessairement des avaries.
L’équipage accepte cette cadence dans la mesure où « c’est le poisson qui commande », ce qui veut dire que quand le patron a réussi à dénicher une zone où il y a du poisson en nombre, ce n’est pas le moment de se reposer mais bien de pêcher encore et encore. Pêcher en une fois beaucoup de poisson signifie aussi pour l’équipage gagner beaucoup d’argent, tant et si bien qu’« à ce moment-là, un matelot pouvait payer sa maison en deux ans ». En plus de l’argent de la pêche, il y a l’argent de la godaille qui servira éventuellement à faire des cadeaux à l’épouse et aux enfants. Mais la godaille a toujours été un objet de discorde entre les marins et les armateurs. La réglementation à ce sujet n’a cessé d’évoluer, par exemple dans le cas des chalutiers industriels de Lorient, les marins avaient droit à l’époque à 2 kilos de poisson par jour de mer, ce qui équivalait à des godailles de 20 à 25 kilos par marée, puis les armateurs ont réduit ce droit à 5 kilos en contrepartie d’une heure de repos en mer en plus par jour, soit 5 heures au lieu de 4...
Pierrot Guéguen verra du pays, devenant capitaine d’armement de plusieurs bateaux au Congo, pays où « les prostituées fleurissaient à tous les coins de rue ». Il pêchera également au Pérou avec de vaillants équipages. Puis, ses enfants devenus grands, il partit en mission en Indonésie pendant deux ans dans le but de former des pêcheurs à améliorer leurs moyens de pêche. Ce pays le marquera particulièrement, notamment sa rencontre avec un patron pêcheur local, Lanto, avec lequel il nouera des liens d’amitiés, à qui il apprit la navigation par satellite (GPS) mais qui lui apprit également des savoir-faire locaux ainsi que des éléments de sa langue et de sa culture dont la valeur cardinale de l’hospitalité. Pierrot Guéguen garde précieusement dans son musée personnel la sculpture en bronze d’un poisson que les pêcheurs indonésiens lui ont offert en cadeau de départ. À la retraite depuis ses 55 ans, le capitaine voyageur continue à pêcher sur son petit bateau, non plus sur les mers lointaines mais sur la rivière d’Etel de son enfance, initiant à son tour son petit-fils au virus de la pêche. Heureux qui comme Ulysse…
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