Notice
Sur La Jeanne. Serge Kervarec, croquis, escales et vahinés
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Descriptif
Serge Kervarec, né en 1938, a navigué pendant cinq ans sur le prestigieux navire militaire La Jeanne en tant qu’armurier, suivant ainsi les traces de son père qui était lui-même armurier à l’Arsenal de Brest. Attiré par les bateaux, il monta à 19 ans sur La Jeanne qui était alors à quai à Lorient, sans savoir que cela deviendrait prémonitoire. Lors de son premier embarquement sur Le Colbert à 22 ans en 1960, sa grand-mère lui donna un peu de terre bretonne en souvenir, et sa mère une médaille de Saint Christophe en protection. Le premier départ en mer pour le marin représente un arrachement à sa terre et à sa famille, angoisse qui s’accroit quand il n’aperçoit plus la côte mais seulement l’océan à perte de vue tout autour de lui.
La journée sur La Jeanne est rythmée par le clairon que ce soit pour le lever, les repas, le travail ou les loisirs (lecture, musique, dessin, piscine…). La hiérarchie sur un navire militaire est particulièrement prononcée et s’inscrit dans l’organisation spatiale du bateau, et notamment dans les espaces de repos puisque que les officiers possèdent leur lit dans une cabine individuelle tandis que les matelots dorment à 120 dans des hamacs. Le jeune marin apprend ainsi la vie en collectivité qui rime le plus souvent avec convivialité bien que certains officiers puissent être durs. Un accident de mer étant vite arrivé, des cercueils sont embarqués à bord en prévision d’éventuelles funérailles. De façon parodique, un rituel d’enterrement est orchestré par les officiers qui passe quatre galons, mais le rituel le plus connu concerne l’ensemble de l’équipage lors du passage de l'équateur.
Ce que les marins retiennent le plus de leur traversée, c’est bien sûr les escales : Dakar, Abidjan, Sierra Leone, Pointe-Noire, Le Cap, la Martinique, Tahiti, les Marquises, « Saïgon », le Cambodge, Singapour, San Francisco, les îles Galapagos, Panama, Rio de Janeiro, soit des destinations lointaines qui font rêver. Grand observateur, Serge Kervarec a pris l’habitude de dessiner — puis plus tard de graver — ce qu’il voit : les palmiers, les requins, les coquillages, le tombeau de Gauguin, peintre qui a si bien rendu le fameux « charme des Tropiques ».
Les escales correspondent à des moments de relâchement, aussi les officiers délivrent quelques recommandations aux plus jeunes avant de débarquer : « Méfiez-vous de l’ivresse du rhum dans les îles », et les préviennent des risques de « maladies vénériennes ». Fréquenter les « tripots » aux escales est usuel, en premier lieu ceux de la Recouvrance — quartier mythique de Brest cher au romancier et parolier Mac Orlan dont la chanson Fanny de Laninon deviendra l’hymne même de La Jeanne —, notamment celui « de la femme serpent » qui n’hésitait pas à sortir son « pétard » lorsqu’il y avait du grabuge.
Le prestige du marin auprès des femmes est connu. Lorsque La Jeanne arrive en Polynésie, des Vahinés accueillent le navire par des chants et des danses, avant de monter à bord pour distribuer des colliers de coquillages que Serge Kervarec conservera toute sa vie. À Tahiti, il fera la rencontre de « Coucou », avec laquelle il entretiendra une relation épistolaire. Puis, lors d’une escale en Afrique du Sud, il vivra une idylle amoureuse avec Esther, jeune infirmière venue visiter La Jeanne. Ce n’est que tardivement qu’il apprit que celle-ci lui avait écrit une lettre d’amour que sa mère lui avait caché pour ne pas compromettre ses fiançailles.
Les escales sont le moment de donner des nouvelles à sa famille en postant une carte postale, et les plus chanceux reçoivent à cette occasion du courrier. Les escales permettent par ailleurs de s’approvisionner en bouteilles d’alcools exotiques : rhum, porto ou arak qui seront offertes à leurs proches à leur retour. Le soir de noël, même si l’ensemble de l’équipage a exceptionnellement droit à un festin, le moral n’est pas toujours au plus haut et le sentiment de nostalgie, plus encore qu’à d’autres instants, s’invite à la fête.
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