Dynamique des préférences et pertinence de l'adaptation de court terme des entreprises

Conférence donnée dans le cadre de la journée "Vin, Réputation et Consommation durable"

>> Bernard Ruffieux, Grenoble INP

Quelques disciplines se sont penchées sur la dynamique des préférences en termes rétrospectifs et descriptifs : l’histoire, la sociologie et les sensorialistes. Des praticiens d’entreprises, en particulier les concepteurs de produits du futur, s’interrogent quotidiennement sur les caractéristiques à donner aux produits dont ils ont à créer le design. Selon les secteurs d’activité, l’anticipation requise en matière de goûts et de préférence, peut aller de quelques semaines à quelques années. L’exercice est toujours difficile et hautement stratégique. Pour le vin, en particulier le vin de très haut de gamme, l’exercice est d’autant plus difficile que, comme pour la musique écrite, la peinture ou les montres de prestige, les produits déjà mis en marché servent de référentiel sur un grand nombre d’années. Pour les produits dont on « perd la trace » – les biscuits ou l’exécution d’une partition de musique baroque par exemple – la question de la stabilité des goûts et des préférences se pose en des termes très différents.

La science économique a longtemps été inutile pour traiter de ces questions puisqu’elle supposait que les préférences et les goûts étaient donnés de façon stable et exogène à la discipline. Néanmoins, l’approche comportementale, puissamment aidée par la démarche empirique de l’économie expérimentale permet de comprendre et d’esquisser les fondements de cette dynamique, tant à l’échelle de l’individu que du groupe et de la société. Ainsi, progressivement, sait-on mieux distinguer ce qui relève du goût et des préférences de ce qui relève des heuristiques de choix, des incitations, des contextes, etc. La présentation montrera comment se construisent les préférences pour des produits nouveaux. On montrera comment des attributs externes au produit, comme son prix, sa réputation, son environnement, influent sur sa valeur-client, aux plans individuels et collectifs. Les questions du regard posé par le consommateur sur le produit, mais aussi du regard de l’autre, du mimétisme, de la rivalité et du désir, sur le même produit ou des produits voisins, seront abordées, toujours sous l’angle économique. Dans ce contexte, la question de l’élaboration collective des préférences va se poser en des termes totalement nouveaux qui rejaillissent de façon essentielle sur la phase de conception des produits : quelle demande de variété et de personnalisation ? Quelle demande de surprise et d’étonnement ? Quelle demande de continuité ? Nous conclurons en traçant les lignes d’avenir de la conception du vin et de l’approche de la dynamique des préférences en essayant de conclure sur des propositions concrètes utiles aux concepteurs des meilleurs vins du monde de demain.