Entretien
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Langue :
Français
Crédits
Université Paul Verlaine - Metz (UPV-M) (Production), Claude ROCHETTE (Réalisation), L'Université Numérique des Humanités (Production), Jean-Yves Trépos (Intervention), Christelle Stupka (Intervention), Sabrina Sinigaglia-Amadio (Intervention)
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/ea2f-xx47
Citer cette ressource :
Jean-Yves Trépos, Christelle Stupka, Sabrina Sinigaglia-Amadio. Canal Socio. (2007, 15 novembre). La société post-moderne ?. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/ea2f-xx47. (Consultée le 5 décembre 2024)

La société post-moderne ?

Réalisation : 15 novembre 2007 - Mise en ligne : 15 novembre 2007
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Descriptif

Ce programme est le deuxième chapitre d’un cours de sociologie sur « La société à l’aube du XXIème siècle ».
Sous le mode de la conversation, Jean-Yves Trépos, Christelle Stupka et Sabrina Sinigaglia-Amadio nous proposent d’aborder notre société et le passage du XXème au XXIème siècle par le biais de la question de « la société post-moderne ? » Ils s'appuient entre autres sur les réflexions de Talcott Parsons, Anthony Giddens ou encore de Bruno Latour, pour analyser les notions de "modernité" et de "post-modernité et leur pertinence dans notre société contemporaine.

Voir l'ensemble des programmes de :

"La société à l'aube du 21ème siècle"

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Idéal-type°°

Les définitions de la notions se trouvent dans tous les dictionnaires et pourtant il en est fait un tel usage déformé (en général, c’est : la réalité que l’on veut étudier lorsqu’on n’a pas eu les moyens de la traiter quantitativement ; en outre, on emploie très souvent le pluriel : on s’aperçoit alors qu’on l’utilise comme synonyme de « typologie »), qu’il est bon de rappeler ce que Weber avait en tête lorsqu’il s’en servait. Dans l’idéaltype, on déforme volontairement une réalité étudiée (majorant certains aspects et en minorant d’autres) pour insister sur la dynamique sociale dont l’idéaltype est l’image la plus stimulante parce qu’elle aide le chercheur à rechercher des connexions invisibles dans l’objet. C’est donc un outil heuristique, servant à établir ensuite d’autres moyens de connaissance.

Fonction instrumentale et expressive°

Deux axes structurent la famille nucléaire : l’axe hiérarchique (parents=supérieurs / enfants=inférieurs) et l’axe différenciateur (homme=instrumental / femme=expressive). Soient donc, quatre rôles-statuts fondamentaux : le supérieur instrumental (père & mari), le supérieur expressif (mère & épouse), l’inférieur instrumental (fils & frère), l’inférieur expressif (fille & sœur). Le mari-père s’assure que les moyens d’existence sont réunis, tandis que l’épouse-mère s’assure que les valeurs puissent se transmettre. En dehors de la famille les fonctions instrumentale et expressive se retrouvent par exemple dans la socialisation scolaire : est expressif tout ce qui privilégie la singularité et l’être, de l’enfant ; est instrumental tout ce qui privilégie l’universalité et la performance de l’enfant. Haut de page

Discours°

Le Discours d’une époque est le moyen préférentiel offert par le langage aux individus pour se penser eux-mêmes (en particulier leur rapport au corps), les autres, leur rapport au monde. C’est tout d’abord un ensemble d’énoncés qui ont été dits et qui continuent d’habiter le monde et donc de le soutenir tel qu’il est. A travers des livres, comme à travers des contes et des souvenirs, se forge pour l’individu un « équipement de discours secourables »(1). Haut de page

1 M. Foucault, « L’écriture de soi ». In : Dits et écrits, II , p. 1238.

Dispositifs disciplinaires et sécuritaires°°

Nous pouvons constater une évolution des dispositifs disciplinaires, vers les dispositifs sécuritaires, selon Foucault (mais cette évolution ne va pas dans le sens du remplacement de l’un par l’autre, mais dans le sens d’une nouvelle combinaison de l’un et de l’autre). Tandis que les disciplines transforment directement l’espace en instrument pour dresser, programmer et garder sous surveillance les individus, en réglant leur temporalité et leurs gestes, les dispositifs sécuritaires sont des interventions indirectes sur les individus, via leur environnement (non pas une intervention sur le jeu, mais sur le sens du jeu). « (…) L’espace propre à la sécurité renvoie à une série d’événements possibles, il renvoie au temporel et à l’aléatoire, un temporel et un aléatoire qu’il fa falloir inscrire dans un espace donné. » (Foucault, Sécurité, Territoire, Population) 1. Haut de page

1 M. Foucault

Proto-modernes°°°

D’une manière générale, l’utilisation de « proto- » présuppose une vision orientée, historique, voire historiciste, des phénomènes sociaux. « Proto-moderne » signifie donc : qui prépare l’entrée dans la modernité, qui effectue la transition ; c’est différent de « pré-moderne », qui signifie : juste avant le moderne. Haut de page

Paradigme°

Le terme est très souvent employé en référence à T.S. Kuhn, mais le plus souvent il s’agit d’un héritage abusif. « Paradigme » désigne, pour Kuhn, un ensemble de présupposés cachés qui structurent profondément le champ scientifique, en orientant les praticiens de la science vers des régimes de savoir qui définissent les problèmes pertinents. Ces problèmes sont mis en forme par des matrices disciplinaires qui rassemblent les savoirs admis, tandis que des « examplars », sorte de champs d’expérimentation, sont les seuls à faire l’objet de débats acceptables 1. Lorsque le débat gagne les matrices disciplinaires et que celles-ci peinent à rendre compte des débordements constatés dans les examplars, les présupposés eux-aussi se trouvent menacés et on s’apprête à vivre une révolution scientifique qui conduit à un changement de paradigme. Haut de page

1 T.S. Kuhn, Structure des révolutions scientifiques , Paris, Flammarion (Champs), 1979.

Welfare state°°

L’appellation anglaise nous protège relativement des faux débats concernant l’« Etat-Providence » 1 (une invocation qui en France, sous-entend toujours un Etat qui crée des assistés, des bénéficiaires passifs). Pour traduire cette expression autrement que littéralement (« Etat du bien être »), on peut aussi avoir recours à : « Etat Social » ( Social State, dans beaucoup d’écrits spécialisés anglophones). On désigne alors un continuuum d’Etats qui définissent à des degrés différents les droits aux prestations et les formes contractuelles qui les encadrent (si l’Etat social suédois 2 ressemble beaucoup à l’Etat Social danois qui définit le régime dit de « flexisécurité » 3 n’est pas le même que l’« Etat Social actif » prôné par certains courants politiques belges 4, ni que l’Etat Social français). Comme on le verra un peu plus loin (ch.4), pour le « community care », les variantes du souci public de l’autre peuvent être importantes. Haut de page

1 F. Ewald, L’Etat-Providence , Paris, Grasset, 1985.

2 Céline Marc, Hélène Zajdela, « Articuler travail et famille en France et en Suède », Connaissance de l’Emploi , n°28, C.E.E., mars 2006.

3 Robert Boyer, La Flexicurité danoise. Quels enjeux pour la France ? , Paris, Presses de l’ENS, 2006

4 Voir : Lieve De Lathouwer, L'état social actif et les incitants négatifs: Les suspensions et sanctions dans l'assurance chômage, Centre de Politique Social-Centrum voor Sociaal Beleid, Université d’Anvers (Ufsia), Novembre 2000.

Méta-récits°

La modernité est, selon Lyotard, séduite par les récits émancipateurs (émancipation de la raison, du travail, de la subjectivité, produites par la technoscience, le marxisme ou le christianisme). Or, selon lui, ces récits qui fondent nos récits parce qu’ils leur sont transcendants, sont en échec : Auschwitz, répression de Budapest (et Mur de Berlin), Mai 68, en seraient les événements significatifs. Seule la technoscience capitaliste sauve la face, sans pour autant réaliser son programme. Partout, les légitimités que l’on invoque pour ce qui se produit deviennent seulement locales et non plus universelles. Nous vivons dès lors dans un monde gouverné par le Système qui n’offre que des valeurs locales : non pas la paix, mais la sécurité ; non pas le progrès, mais le développement. La légitimité du Système elle-même est du même ordre : il est ce qui nous permet de trouver un consensus, là où nous cherchions le débat démocratique. Haut de page

Gnoséologique°°

C’est ce qui concerne la connaissance, c’est-à-dire, la manière de connaître. Le terme est désormais peu usité, les sociologues, par exemple, le remplaçant le plus souvent par « épistémologique » qui pourtant désigne la manière de connaître scientifiquement, alors que gnoséologique peut englober non seulement le rationnel, mais aussi le raisonnable. Haut de page

Justifiées par une transcendance°

Lorsque G.W. Bush justifie la défense des USA et de la civilisation chrétienne contre l’Axe du Mal, il s’appuie sur la conviction que ces entités sont fondées, non seulement en droit, mais aussi en transcendance (la création divine donne un privilège au christianisme). De ce point de vue, la menace immanente d’un terroriste est elle-même fondée sur une transcendance (le Mal), ce qui la rend doublement inacceptable. Haut de page

Loyauté°°

Le terme a un sens sociologique plus restreint que celui que Rorty utilise. Selon Hirschman, la loyauté ( loyalty) caractérise l’ensemble des attentes par rapport à l’institution qui sont remplies ou ne sont pas suffisamment déçues pour justifier une défection ( exit) – c’est-à-dire la cessation de toute attente, voire le report de ces attentes sur d’autres institutions ou encore la protestation ( voice), qui cherche à recharger le potentiel d’attentes sous la forme de la critique 1. Cette trilogie d’attitudes mutuellement exclusives n’est pas pour autant figée : dans certaines conditions, un excès de défection entraîne de la protestation (cas de la fuite des Allemands de l’Est pendant l’été 1989, analysé par Hirschman 2). De même l’articulation de la protestation verticale (en direction de l’autorité) et de la protestation horizontale (vers les pairs) peut aussi produire des effets spécifiques.

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1 Albert O. Hirschman, Défection et prise de parole , Paris, Fayard, 1995.

2 Albert O. Hirschman, Un certain penchant à l’auto-subversion , Paris, Fayard, 1995.

Méthodes participatives°

Les méthodes de gestion ont été largement étudiées par les sociologues 1. Même si les méthodes participatives peuvent renvoyer à des réalités différentes, elles ont pour point commun l’accent mis sur l’implication individuée et la coordination horizontale. Elles sont le strict correspondant, pour l’entreprise, des méthodes incitatives en politiques sociales et en politique. De ce point de vue, elles marquent sans doute un « nouvel esprit du capitalisme » 2. Haut de page

1 Entre autres : Norbert Alter et al., Le manager et le sociologue , Paris, L’Harmattan, 1995 ; Frédéric Mispelblom, Au-delà de la qualité , Paris, Syros, 1995 ; Fabienne Cuq, Djaouida Sehili, Pierre Tripier, « Forme, contenu et dynamiques des dispositifs de gestion », Utinam , 1 / 2, 1999.

2 Luc Boltanski, Eve Chiapello, Le Nouvel esprit du capitalisme , Paris, Gallimard, 2001.

Agency°°

On trouve de nombreuses esquisses de traduction en français de ce terme, qui toutes présentent de sérieuses limites, soit liées à leur réutilisation inconfortable, soit à des risques de confusion, soit à des métaphysiques implicites qui gagneraient à être explicitées. Ce sont : agencement, agence ; capacité d’agir, puissance d’agir (voire : de l’agir), qualité de l’agir ; processus agenciel ; dans son récent livre, Bruno Latour, en signalant la difficulté de traduire l’expression, renvoie aux ressorts de l’existence (Latour, 2006). Il semble bien qu’au-delà de l’opposition structure (= contraintes) / agency (= liberté), qui était à l’origine des premières distinctions et discussions, deux métaphysiques sont en jeu chez ceux qui veulent faire un usage de la notion d’ agency sans se contenter de sa seule philosophie de la liberté : une conception substantialiste, préformationniste et vitaliste, pour laquelle la meilleure traduction est bien « puissance de l’agir » ; une conception processuelle, épigénétique et mécaniste, pour laquelle la meilleure traduction serait « processus agenciel » 1. Quoi qu’il en soit de cette opposition métaphysique, ce qui est en jeu dans le débat sur cette notion, c’est la place de l’inattendu ou de l’émergent ( emergent)2. Pour un approfondissement reliant « agency » et « réflexivité », voir chapitre 4. Haut de page

1 Les oppositions [préformationnisme / épigénèse] et [vitalisme / mécanisme], sont ici des métaphores empruntées à l’épistémologie et à l’histoire de la biologie. Voir, comme texte fondateur : Canguilhem, 1969 (chapitre 2 et 3).

2 Rémi Barbier, J.-Y. Trépos, « Humains et non-humains. Un bilan d’étape de la sociologie des collectifs », Revue d’Anthropologie des connaissances , n°1, 2007.(En ligne)

Hégémonie°°°°

Antonio Gramsci 1 a étendu l’interprétation marxiste traditionnelle de cette notion (en gros, c’était : le mode de direction que le prolétariat imprime à une révolution démocratique bourgeoise) à toutes formes, ratées ou réussies de révolution. Cette extension s’appuie sur une nouvelle conception de l’Etat, qui accorde toute sa place à la société civile. De ce point de vue, on est invité à comprendre tous les rapports non directement politiques (scolaires, religieux, par exemple), précisément comme des rapports politiques s’exerçant au sein d’un système hégémonique marqué par la domination d’une classe (quelle qu’elle soit). Mais l’hégémonie, production d’un consentement, n’aboutit pas à un consensus passif (c’est le cas des « dictatures sans hégémonie »), mais bien plutôt à un « consensus actif », produit par une « classe universelle » (celle qui fait progresser l’ensemble de la société en se dépassant elle-même). Par la suite, dans des courants non-marxistes, le terme a fini par être employé pour toute forme d’obtention inconsciente d’un consentement (l’habitus se sirtuerait alors dans cette filiation). Haut de page

1 Voir : Antonio Gramsci, Gramsci dans le texte , Paris, Ed. Sociales, 1977.

Analyse de réseaux°

L’analyse structurale de réseaux a développé une formalisation mathématique des relations sociales, centrée sur des notions comme le capital social, le pouvoir, l’intermédiation qui sont abordées à partir des connexions qui apparaissent ainsi : les réseaux sont séparés par des « trous structuraux » et reliés par des « ponts ». En faisant le graphe de ces relations, on peut déterminer l’efficacité d’un réseau social 1. Haut de page

1 Voir : Alain Degenne et Michel Forsé, Les réseaux sociaux , Paris, A. Colin, 1994.

Coquilles saint jacques°°°

L’analyse en termes de « traduction », donnée par Michel Callon a rendu célèbre ce processus d’implantation de nouvelles variétés de coquilles Saint-Jacques dans la baie de Saint-Brieuc. Au-delà de l’aspect empirique d’une belle étude, on peut en retirer un modèle théorique de saisie de l’innovation : il s’agit toujours plus ou moins de problématiser (1), c’est-à-dire d’imposer une définition du problème en assurant la traductibilité des langages les uns dans les autres ; puis d’ intéresser (2), c’est-à-dire de stabiliser l’identité des différentes entités en présence, de faire ou de défaire des liens entre elles au sein d’un dispositif d’intéressement ; ensuite d’ enrôler (3), c’est-à-dire d’obtenir l’accord de ces entités et la reconnaissance du fait qu’elles ont un rôle à jouer et qu’il s’agit précisément de ce rôle-là ; enfin de mobiliser les alliés (4), ce qui veut dire rendre mobiles ces différentes entités, sélectionner des porte-parole et des intermédiaires. Haut de page

Conscientisation°°

Paolo Freire a attaché son nom à la démarche de conscientisation : à la faveur de l’alphabétisation des populations des favellas de plusieurs pays d’Amérique latine (notamment au Brésil et au Chili, au cours des années soixante), il s’agissait de leur faire prendre conscience de leur aliénation et de leur donner les moyens de lutter 1. Les « groupes conscientiseurs », inspirés à la fois par le marxisme et le christianisme, ont servi de modèle à des initiatives plus spécifiquement européennes d’intervention communautaire. Haut de page

1 Paolo Freire, Pédagogie des opprimés , Paris, Maspéro, 1974 ; et : C. Humbert, J. Merlo, L’enquête conscientisante. Problèmes et méthodes , Paris, L’Harmattan, 1978.

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