La bande dessinée pour construire un savoir historique, par Ammar Kandeel (podcast)

Le conflit israélo-palestinien en bande dessinée. L’enjeu des conflits mémoriels dans la construction transmédiale d’un savoir historique

Le rapport récent rendu par l’historien Benjamin Stora au président français sur Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie et la recherche effectuée par une commission d’historiens français sur le génocide des Tutsis au Rwanda ne sont que deux exemples emblématiques de la place prépondérante qu’occupent les mémoires des peuples aujourd’hui dans les relations internationales, surtout entre l’Europe et ses anciennes colonies et protectorats. De manière assez proche de l’histoire de l’Algérie et du Rwanda, l’écriture d’une histoire scientifique, donc objective et neutre, du conflit israélo-palestinien ne peut se passer d’un rôle « matriciel » de la mémoire, où la reconnaissance des souffrances est un enjeu inséparable de l’écriture de l’histoire. La bande dessinée, forme située à l’intersection de la littérature et de l’art, est aussi un support influant l’opinion publique sur des sujets politiques et historiques d’actualité ahurissante.

Depuis les années 2000, et surtout à la suite de la publication de Palestine par l’auteur américano-maltais Joe Sacco, le conflit israélo-palestinien est de plus en plus représenté dans la bande dessinée et le roman graphique. Ecrites dans les domaines anglophone, francophone, arabophone et hébréophones, ces œuvres sont engagées dans la réalité sociale tant des Palestiniens que des Israéliens. Leur importance vient du fait qu’elles interviennent dans des « récits nationaux conflictuels ». Ce projet de recherche se situe donc sur le terrain interdisciplinaire entre l’histoire et la littérature/les arts visuels, terrain que j’ai entamé avec des travaux sur les liens entre l’historiographie du conflit israélo-palestinien d’un côté et, de l’autre côté, plusieurs arts comme la photographie, le cinéma et le stand-up. L’étude de la bande dessinée porte un potentiel important pour réfléchir sur l’écriture d’une histoire indémêlable des mémoires des deux peuples en question. Elle s’inscrit dans l’intérêt grandissant de la recherche universitaire francophone sur l’histoire du monde arabe dans la bande dessinée, notamment francophone.