La protection des animaux en France entre science, vulgarisation et morale (1845–1914)
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Descriptif
La protection des animaux se structure en France dans les années 1840-1850 avec la fondation de la SPA en 1845 et le vote de la loi Grammont en 1850. Elle repose alors sur le double objectif de lutte contre la violence des milieux populaires et d'amélioration du rendement des animaux domestiques. La protection animale se veut pédagogie de la douceur, et facteur de progrès économique partant du principe qu'un animal bien traité sera un animal plus rentable que celui victime de mauvais traitements. L'action protectrice est une action de réforme sociale visant d'abord à se rendre utile aux hommes. Dans cette logique elle se méfie de la sensibilité sans toutefois la négliger.
Cette Société, composée d'un grand nombre de médecins, se retrouve confrontée à la science sur trois registres : tenter de fonder une protection reposant sur le savoir scientifique gagner une légitimité en incorporant dans ses instances des scientifiques de renom, prendre position dans les débats scientifiques qui impliquent des animaux,
Sur le premier registre, les protecteurs souhaitent, en donnant des fondements scientifiques à leur action, la sortir du registre de la sensibilité ou de la sympathie éprouvée à l'égard de telle ou telle espèce animale. Idéalement, mais leur projet échoue bien évidemment, ils envisagent de mettre en œuvre des outils de mesure de la douleur. Leur action échapperait ainsi à tout arbitraire en reposant sur des données objectives. Ils mettent aussi en place de nombreuses commissions proposant des travaux sur la force motrice, l'alimentation du bétail, la lutte contre les épizooties, etc., tentant ensuite de vulgariser les recommandations de ces commissions. Leur savoir se veut scientifique, technique et pratique. Elaboré par des spécialistes, il faut ensuite le diffuer vers des populations moins éduquées.
Sur le deuxième registre, la Spa offre des places d'honneur à des scientifiques de renom : zoologues, vétérinaires, ornithologues, etc. Les plus grands professeurs de l'école d'Alfort siègent au Conseil d'administration et président des commissions de travail. La famille Geoffroy Saint-Hilaire domine même à certains moments la Société. Isidore utilise celle-ci pour diffuser et donner du poids à ses idées en faveur de l'acclimatation puis de l'hippophagie. La présence de ces scientifiques assure une certaine légitimité à la SPA.
Sur le troisième registre les sociétaires sont confrontés aux débats et pratiques du monde scientifique et, en particulier, à la question de la physiologie expérimentale. Après beaucoup de divisions, ils font le choix douloureux de soutenir la vivisection et Claude Bernard. Leur choix repose sur une adhésion aux valeurs du progrès scientifique, puisque les bénéfices pour l'homme semblent supérieurs aux souffrances des animaux de laboratoires, ainsi qu'à la défense des scientifiques critiqués au nom de la morale.
Tous ces choix patiemment construits avec la finalité de faire accepter la protection animale sont remis en cause à partir des années 1880 quand les premières générations de protecteurs quittent la société et que se construit un second modèle de protection plus radical, faisant plus appel à la sensibilité, et méfiant à l'égard du pouvoir scientifique. Une protection qui ne se revendique plus de l'intérêt public, qui ne recherche plus l'adoubement des scientifiques, mais une protection qui agit au nom de la morale et pour limiter la souffrance des animaux.
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