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Langues :
Français, Wolof, Sérère
Crédits
Alain Epelboin (Intervention)
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/ze29-jq86
Citer cette ressource :
Alain Epelboin. SMM. (2013, 1 juillet). Consultations de Souley Nyakh, tradipraticien à Joal (déc. 2012) - "versements" aux pangols domestiques, onctions et fabrication d'amulettes - visite et "versements" aux habitants d'une forêt de baobabs sacrés , in anthropologie médicale. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/ze29-jq86. (Consultée le 2 décembre 2024)

Consultations de Souley Nyakh, tradipraticien à Joal (déc. 2012) - "versements" aux pangols domestiques, onctions et fabrication d'amulettes - visite et "versements" aux habitants d'une forêt de baobabs sacrés

Réalisation : 1 juillet 2013 - Mise en ligne : 1 juillet 2013
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Descriptif

- "versements" auxpangols domestiques, onctions et fabrication d'amulettes

Le tradipraticien sérerSouley Niakh de Joal, au Sénégal, âgé d'une quarantaine d'années, reçoit simultanémentdeux clients dans sa chambre. Il les  fait asseoir sur le lit et desfauteuils en plastique. Lui-même est installé sur une natte synthétique posée àcôté du lit, les jambes écartées devant un boubou-tunique en toile decoton traditionnelle, recouvert d'une crasse patinée  correspondant à des versements de sang depoulets sacrificiels.

D'une sacoche noire àplusieurs poches, de type pour ordinateur, il extirpe les objets du rituel : un"chasse mouche", bâton de pouvoir en crins de cheval noir, montés surun manche gainé de tissu rouge, enroulé dans une coudée de bande de tissu decoton artisanal bicolore ; un sachet plastique d'une poudre, probablementpolyvégétale, qu'il versera sans récitations dans un récipient d'eau, un pot enplastique blanc de 5 litres, apporté par une des résidentes de la maison quibavardent dans la cour.

Le premier consultant, MbayeD2., âgé d'une soixantaine d'années vient achèver un traitement pour des mauxdivers, notamment des douleurs des os etdes articulations et fatigue,de cause non précisée : jalousie, sorcellerie due à ses succès ?C'est un musicien sérer célèbre, ami de l'assistant-traducteur del'anthropologue vidéographe,  Aliou Henri Diouf, lui même musicien.

Le tradipraticien faitasseoir Mbaye D2. sur la natte, face à lui, séparé par la tunique sacrificielleposée entre eux. Il trempe les crins de cheval du bâton de pouvoir dans l’eauavec poudre et, de haut en bas, oint par effleurements le crâne, la nuque, lesépaules, les bras, le dos, les reins de son patient. Il le fait se relever etexécute des massages des bras avec ses mains, imprégnées de la projection d'unerécitation, dans un sens "extractif", de la racine des membres auxextrémités. Ces massages rapides, entre effleurement et passe de magnétiseur, alternentavec des étirements doux des bras et du rachis. A la fin de ce temps, ilintime l'ordre à son client de répondre systématiquement positivement à toutequestion qui lui est posée, comme une imposition d’unoptimisme à afficher en permanence : - Si on te questionne, tu disoui.

Tenant le pot d’eau avecpoudre, il le conduit alors derrière la chambre dans une étroite arrière courou est installé l'autel domestique consacré aux esprits tutélaires dutradipraticien, les pangols. Il est constitué de mortiers défoncés enterrés àl'envers, de pilons enterrés, de divers objets, pierres et de deuxvolumineux anneaux de fer qui ne semblent pas de facture artisanale. Aprèsavoir versé de l'eau avec poudre sur chacun des objets de l’autel représentantles pangols, le tradipraticien intime à Mbaye D2. de se "laver", sansquitter son pantalon, de s'asperger sur le modèle du schéma corporel de latoilette quotidienne par aspersion, y compris les pieds, posés l’un aprèsl’autre sur le bord de l’autel, dans une proximité extrême et troublante avecles esprits ainsi convoqués.

Comme avec un jeune enfant,Souley Nyakh achève la toilette de la tête de son client, la maintenant audessus de l’autel. Puis, il se saisit des anneaux trempés d’eau avec poudre etles passent horizontalement l'un après l'autre au dessus de la tête de MBaye D.encore penché sur l'autel.

De retour dans lachambre-cabinet de consultation, Souley Nyakh le fait asseoir en face de lui, toujours séparé par la tunique sacrificielle. Il brandit, les bras tendus,la coudée de tisssu bicolore face à la tête de son client, sur laquelle il finitpar la poser. Il s'en saisit ensuite pour essuyer les zones qui ont étémassées, effleurées, lavées, comme pour récupérer aussi des restes non visibles.Ensuite, il la secoue vigoureusement plusieurs fois et la pose sur la tuniquesacrificielle. Puis, il fabrique  une cordelette de coton sur laquelle ileffectue 4 noeuds magiques spécifiques avec récitation d'une formule, dont : "J'aipris une poignée de sable, m'envelopper de Dieu avec un oreiller depierre". Il attache lui-même la cordelette qui fait deux fois le tourde l'avant bras gauche de Mbay D.

Il recouvre alors la tuniquesacrificielle et la bande de tissu bicolore d'un morceau de toile blanche percéede trois trous circulaires de la taille de l’ouverture de petits canaris usuelset d'un quatrième plus petit. Le bâton de pouvoir est déposé dessus, puis misde côté, de même que le tissu blanc et la bande bicolore, pour poser neufcauris et une petite plaque pesante, non identifiée, l’objet qui joue souventun rôle de « témoin » dans ce type de divination iconique. Six jetsde cauris se succèdent, dont un avec la main de Mbay D. posée sur les caurisétalés. Ils confirment tous la réussite du traitement et le devenir heureux.

Après quoi, Souley Niakhdemande à Mbaye D2. de  laisser la place au deuxième consultant, ElHadj T., un pêcheur sérer d’une soixantaine d’années qui vient pour lesséquelles cicatrisées d'une grave fracture de la partie supérieure du tibia droit,écrasé entre deux pirogues.

Il le fait asseoir sur lesol en face de lui et lui mesure le tour du genou droit avec la bande de tissu bicolore.Il mesure ensuite la cheville et réalise un noeud spécifique du même type quecelui de la cordelette, transformant la bande de tissu en amulette, en sengor,ceinture de projection de force à un noeud. Il la  brandit à la face duconsultant puis vers le ciel et le sol, c'est-à-dire la tunique sacrificiellesur laquelle il la dépose pour se saisir du bâton de pouvoir. Il trempe lescrins de cheval dans le seau d’eau avec poudre de la consultation précédente eten oint doucement la jambe souffrante à de nombreuses reprises, du haut vers lebas. Il finit par le massage avec incorporation dans le corps du patient desvertus des paroles magiques projetées dans ses mains à chaque passage devantses lèvres, accompagnées de claquements de doigts.

Ensuite il attache la bandebicolore, devenue sengor à un noeud, au dessus du genou. Il reprend leseffleurements de la jambe  avec les crins de cheval trempés d'eau avecpoudre, toujours de haut en bas, mais en venant les recharger successivement enles plongeant dans chacun des trous circulaires de la toile blanche posée pardessus la tunique sacrificielle, comme des ouvertures de canaris non visibles.Il interroge ses cauris en quelques jets comme pour vérifier le bon déroulementdes opérations, puis entreprend la fabrication d'une cordelette de coton artisanalà 2 noeuds spécifiques avec des récitations. Après l'avoir passée à plusieursreprises sur la jambe malade, il l'attache à la cheville. Puis il déchire uneétroite bande de la toile blanche à trous circulaires et la transforme encordelette à un noeud, avec récitations de paroles et passage entre les lèvresdu guérisseur. Il l’attache au dessus du genou à la place de la bande tissubicolore nouée.

Souley Nyakh fait lever ElHadj T. et le dirige, tout boiteux, derrière la maison. Il lui fait poser lepied sur l'autel domestique des pangols. Trempant les crins du bâton de pouvoirdans le récipient d'eau avec poudre, il effleure doucement le membre malade, dehaut en bas, du genou à l'autel.  Ensuite, il verse de l'eau avec poudre, toujoursde haut en bas sur la jambe et le pied posé sur l'autel, puis passe les anneauxde fer sur et autour de la jambe avant de les reposer à leur place. Un dernierversement de liquide avec poudre  sur lajambe et l'autel, ainsi qu'une aspersion à l'aide des crins de cheval et ilfait retourner son client dans la chambre à la même place que précédement. Illui a ordonné de bien marcher et effectivement le consultant ne boite plus. Letradipraticien exécute de ouveaux effleurements avec récitation  à l'aidedes crins de cheval, puis effleurement-essuyage du membre à l'aide de la bandede tissu bicolore qui a conservé son noeud. Des jets de cauris divinatoiresrépétés confirment la réussite du traitement : " C'est bon!" El Hadj T. secoue sa jambe d'un air très convaincu quant à ladisparition des douleurs. Souley Nyakh tout en rangeant ses accessoires dans sasacoche, en sort une clochette-à grelot qu'il écoute attentivement sonnerdevant chacune de ses oreilles, comme des messages positifs supplémentaires.

- visite et"versements" aux habitants d'une forêt de baobabs sacrés

Le traitement du premierclient, Mbaye D2., se poursuit l’après midi du même jour dans  une petiteforêt de baobabs à proximité de Joal, réputée dangereuse car habitée par différentsesprits, des pangols (génies sérers), des djinns (génies musulmans et païens) ,des animaux dangereux, tels qu'une hyène et un jaxal, traduit faussement par « tigre », vraisemblablementune panthère.

Les offrandes destinées auxpangols protecteurs, sont de l’eau, de la farine de mil, du sucre, un pouletvivant, une bouteille de vin rouge, des noix de kola et une pièce de monnaie,sans compter une petite cuvette en plastique, le récipient pour les libations, etl’outil sacrificiel, un couteau de cuisine.

Un premier versement rituel d’eaumélangée de farine de mil est effectué à l’entrée de la forêt sur un espacedégagé recouvert de coquillages, de feuilles mortes et de restes de sacrificesantérieurs, noix de kola, flaques de sang séché. Souley Nyakh se saisit dupoulet, lui coince les pattes avec un pied, fait une passe du couteau sur lagorge et une torsion du cou qui hypnotise l’animal qui s’immobilise, puis illui tranche la gorge, versant la totalité du sang en une même place. Aprèsquoi, le poulet est remis mort dans une pochette de plastique pour l’emporter.

Souley Niakh la cuvettecontenant l’eau avec la farine de mil et le couteau de la main gauche poursuitson chemin jusqu’à deux baobabs aux troncs blanchis, qu’il asperge du reste del’eau avec la farine de mil, tout en inspectant une cavité à la base d’und’entre eux.

Il poursuit le chemin quiserpente dans la forêt de baobab  jusqu’àune place qu’il nomme « chambred’épines », où sont empilées des centaines de bouteilles de verrevides de vin rouge, de bière et d’alcool. Il décapsule la bouteille et faitavancer Mbay Diouf afin de lui verser du vin sur les pieds en même temps qu’auxpangols. Cette implication corporelle si près des pangols semble impressionner MbayeD2. qui essaye de refuser, puis limite la quantité de vin déversée sur sespieds nus. Il refuse ensuite de boire directement à la bouteille. Malgré lesrestes de mil, il finit par accepter la cuvette plastique vidée du mélanged’eau, de farine de mil et de sucre comme récipient à boire. Souley Nyakh faitboire au goulot Aliou Henri Diouf, l’assistant-traducteur, puis l’anthropologuecaméraman et enfin lui-même. Il se saisit de la caméra pour les filmer en trainde boire,  puis leur enjoint de verser duvin sur le sol pour les pangols. A ce moment, le rituel de Mbay Diouf estterminé.

Souley Nyakh entreprend contrerémunération de faire visiter les différents places des habitants de cetteforêt de baobabs. Il montre une place de repos de la hyène, les griffureslaissées sur un tronc par les griffes du jaxal,les résidences des pangols et des djinns. Il présente le baobab des pangols dontil a reçu les pouvoirs, un autre en forme de tête où les femmes stérilesdéposent leur coiffe pour obtenir un enfant.

Au fur et à mesure que lavisite se prolonge, Mbay D., impressionné, est de plus en plus réticent etsuggère de rentrer, notamment de ne pas aller visiter le puits où résident undjinn et ses trois fils. Au sortir de la forêt, il se saisit d’un crabe et mîmeen chantant sa mise à mort sacrificielle : comme une fin (faim) decatharsis.

ACTEURS

 - le tradipraticien sérer Souley Niakh

- le premier consultant pour douleurs ostéo-articulaires

et fatigue, Mbaye D. 2, musicien sérer

- le deuxième consultant pour séquelles de fracture de la jambe droite, El Hadj T., pêcheur sérer

- l'assistant-traducteur Aliou Henri Diouf

- le médecin-anthropologue vidéaste, Alain Epelboin

Traduction et commentaires simultanés

Aliou Henri Diouf

Traduction des sous-titres

Lamine Ndiaye

Caméra, montage,réalisation

Alain Epelboin & Mireille Gruska

© 2013 Alain Epelboin CNRS-MNHN Paris

Intervention

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