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Langue :
Français
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(c)CNRS, 2014
DOI : 10.60527/7hyn-3n29
Citer cette ressource :
CNRS – Service audiovisuel d'ARDIS (UAR2259). (2014, 6 novembre). Dominque Casajus (CNRS. IMAF) : « Titre: Saudade, solitude et mélancolie » , in L’inspiration au prisme des vies de poètes. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/7hyn-3n29. (Consultée le 18 septembre 2024)

Dominque Casajus (CNRS. IMAF) : « Titre: Saudade, solitude et mélancolie »

Réalisation : 6 novembre 2014 - Mise en ligne : 11 mars 2015
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Descriptif

Le maître mot de la poésie touarègueclassique est esuf, un terme qui, par certaines de ses acceptions, serapproche du français "solitude", lequel désigne lui aussi lesentiment du délaissé tout comme les lieux désertés par la fréquentation deshommes. Mais esuf désigne aussi la nostalgie de l'être aimé ou du paysperdu, acception qui lui est propre et qui n’est pas rendue en français par« solitude ». On dit fréquemment, dans la poésie, ou même dans leslettres à des êtres chers : « l’esufde toi est en moi », c’est-à-dire « tu me manques ». Deuxsentiments qui pour nous sont distincts, la souffrance d’être séparé de l’aim,et le serrement de cœur qu’on éprouve lorsqu’on se sent seul, sont donc perçuspar les Touaregs comme les modalités d’un même sentiment. C’est une situation àlaquelle les ethnologues sont accoutumés. Il en est des sentiments comme desmots : leur étendue ne se recouvre pas parfaitement dans les différentescultures. On peut imaginer que ce que le Touareg éprouve quand il se dit« dans la solitude » n’est pas exactement ce que le Français éprouvequand il dit la même chose. On peut cependant aller un peu plus loin que ceconstat, banal, de la relativité culturelle. En effet, du 12ème au16ème siècle, les troubadours galégo-portugais, puis les écrivainsportugais écrivant dans ce qu’on appelle le castillan lusitanien disposait d’unmot, dérivé du latin solitas, quiavait exactement le même champ sémantique que esuf. Il s’agit du mot dont la forme castillane était soledad, et la forme proprementportugaise soedade, soydade, ou suydade.On trouve par exemple chez le grand dramaturge portugais Gil Vicente, ainsi quedans une chanson du 16ème siècle, Soledad tengo de ti, « j’ai la solitude de toi », qui estun équivalent mot pour mot du touareg « l’esuf de toi est en moi ». Par la suite, soedade est devenu saudade,qui n’a plus que le sens que « nostalgie », tandis que soledad, qui existe encore en castillan,n’a plus que le sens du français « solitude ». On évoquera lecheminement de ces termes, qui ont eu, et qui ont encore tant d’importance dansla poésie portugaise.

 

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