Documentaire
Notice
Lieu de réalisation
Camaret-sur-mer
Langue :
Français
Crédits
Corinne Fortier (Réalisation), Corinne Fortier (Intervention)
Détenteur des droits
Corinne Fortier
Conditions d'utilisation
©Corinne Fortier
DOI : 10.60527/0ktm-p755
Citer cette ressource :
Corinne Fortier. EHESS. (2024, 13 mars). Femme de marin de Camaret : maîtresse femme à terre , in Portraits de mer . [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/0ktm-p755. (Consultée le 27 juillet 2024)

Femme de marin de Camaret : maîtresse femme à terre

Réalisation : 13 mars 2024 - Mise en ligne : 20 mars 2024
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Descriptif

Comme c’est le cas des femmes à Camaret-sur Mer, Cécile Ménesguen, née en 1926, se présente d’abord sous son nom de jeune fille avant de décliner son nom de femme mariée. Elle est femme de marin mais aussi fille de marin puisque son père pêchait la sardine à la voile l’été en Angleterre pour des marées d’un mois et demi avant de revenir une semaine à Camaret, et son frère pratiquait également la pêche.

À 15 ans, elle rencontre celui qui deviendra son mari, René Quéffelec, qui avait alors 18 ans ­­—il est né en 1923 — tandis qu’il regardait, rêveur, la mer depuis le quai de Camaret. Il était à ce moment en convalescence après avoir été gravement blessé par un avion allemand qui avait mitraillé le bateau sur lequel il était matelot, le Quo Vadis. Malgré les réticences du médecin de la marine, il reprit la mer au bout d’un an, devenant patron de La Traviata, avant de faire construire en 1954 au chantier Péron de Camaret son propre langoustier de 19 mètres avec lequel il pêchait la langouste au Portugal, au Maroc, en Tunisie jusqu’en 1973, puis en Mauritanie. Il composa un équipage qui ne comprenait ni ses frères ni aucun autre membre de sa famille afin d’éviter tout conflit. Sa femme choisit le nom du bateau : Stereden Va Bro, qui signifie en breton « étoile de mon pays », bateau qui a été baptisé en présence d’un parrain et d’une marraine, en l’occurrence de leurs deux enfants.

À cette époque, chaque fois que les bateaux de Camaret partaient en pêche, ils cornaient (soufflaient dans la corne de brume) en passant devant la chapelle de Notre-Dame de Rocamadour afin de se mettre sous la protection de la Vierge dont ils possédaient à bord l’image. En outre, René Quéffelec conservait dans son portefeuille une image pieuse qui lui avait été donnée par une religieuse espagnole, à qui, à chaque escale en Espagne, il offrait une caisse de poisson à destination des orphelins.

Durant un mois et demi, pendant qu’il était en mer, son épouse était « maîtresse à la maison », gérant l’argent de la pêche et s’occupant de tout à terre (trois enfants, potager, peinture de la maison…). De retour pendant dix jours, son mari était rarement présent, ayant toujours à faire sur le bateau : réparations, vivres, aussi sa femme continuait-elle à gérer la maison selon une division genrée du travail très commune dans le milieu maritime[1]. Il disposait également de peu de temps pour ses enfants qu’il n’avait pas vu naître. Ayant souffert de la séparation d’avec sa famille, René Quéffelec n’a pas voulu que son fils fasse ce métier.

À sa retraite, il vendit son bateau à un pêcheur anglais et, à la différence de certains marins retraités, il n’acheta pas de petit canot pour continuer à pêcher, affirmant : « J’ai déjà passé toute ma vie sur la mer, ça suffit ! ». Suite à un incendie à bord, le Stereden Va Bro fut revendu à des plaisanciers anglais qui, une fois restauré, le transformèrent en vieux gréement visible aux fêtes maritimes de Brest de 2004 et 2008. Depuis que René Quéffelec est décédé à 67 ans en 1991, son portrait ainsi que le portrait de son bateau[2] trônent dans la cuisine, pièce maîtresse de la maison, où son épouse m’accueille.

 

 

[1] cf. Corinne Fortier, « Absence des hommes et empowerment des femmes de marins (Finistère, Vendée) », in Emmanuelle Charpentier et Benoît Grenier (éds.), Le temps suspendu. Une histoire des femmes mariées par-delà le silence et l’absence, Bordeaux, Primalun@, 2022 : 311-326, https://una-editions.fr/absence-des-hommes-et-empowerment-des-femmes/.

[2] cf. Corinne Fortier, « Des corps perdus aux corps-bateaux. L’Art et la manière : migrants, péris en mer et objets mémoriels », Cross Cultural Studies Review 3 (5-6), Modernité des hétérotopies : genre, discours, création, 2023 : 17-97, https://crosscultural-korean.ffst.hr/index.php/2023/04/24/10-38003-ccsr-3-5-6-11/.

 

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