L’eugénol dans le Baco blanc, une histoire alambiquée !

Bon nombre de molécules aromatiques du vin sont constituées d’atomes de carbone et avec 10 de ces derniers, l’eugénol ne fait pas exception. Il est essentiellement connu des vinificateurs pour son arôme typique de clou de girofle, apporté par le contact avec le bois des barriques. Ce composé a été récemment identifié comme un marqueur variétal du Baco blanc, un hybride complexe développé par François Baco à la fin du XXe siècle. La présence quasi ubiquiste de l’eugénol dans le Baco blanc peut expliquer la tolérance de cette variété à certaines maladies cryptogamiques, en particulier la pourriture grise. En effet, la forte concentration de l’eugénol dans les pellicules de Baco blanc et son action antifongique vis-à-vis de Botrytis cinerea ont permis de qualifier cette molécule comme un marqueur de la résistance ontogénique du Baco blanc. La mise en évidence récente du précurseur majoritaire de l’eugénol, le géoside, a permis d’identifier le potentiel en eugénol observé depuis plusieurs années. 

Le géoside pourrait alors être, pour la vigne, une molécule de conservation et de transport de l’eugénol à travers les différents compartiments de la plante. Dans les vins issus de Baco blanc, ce précurseur a pu être hydrolysé par l’action d’une préparation enzymatique oenologique. L’augmentation de la teneur en eugénol dans les vins par ces enzymes libératrices d’arômes, et la distillation de ce produit de queue au travers d’un alambic armagnacais de type continu, se sont révélées pertinentes dans la production d’eaux-de-vie de qualité. Il s’est effectivement avéré que l’eugénol participe à la typicité des eaux-de-vie blanches d’Armagnac, élaborées, à partir de Baco blanc, en entrant en interaction avec d’autres constituants des spiritueux et en particulier certains esters. 

Molécule de défense et de typicité aromatique, l’eugénol est donc ce composé, présent de la vigne jusqu’à l’eau-de-vie, marqueur d’une variété ancienne mais finalement symbole de modernité et d’adaptation aux changements de la viticulture moderne : le Baco blanc.