Un entretien avec
Jeffrey COLE
“ Directeur du Centre de Politique de la Communication et des Médias de Divertissement à UCLA”
lors de sa visite à l’Université Toulouse I en juillet 2003.
“Le Centre de Politique de la Communication de l’UCLA est au premier rang des institutions universitaires qui fixent les nouvelles tendances dans le divertissement.” (President Clinton)
Régulation des médias aux USA
Docteur Cole, je vous remercie d’être ici avec nous pour cet entretien. Jeffrey Cole, vous êtes donc le Directeur du Centre de Politique de la Communication et des Médias de Divertissement à UCLA, vous êtes un expert de la communication dans les médias aux Etats-Unis mais vous avez aussi une grande expérience internationale et les questions qui intéresseraient, je crois, nos étudiants sur “VO Langues”, la chaîne nationale en français pour les langues étrangères , sont des questions d’ordre interculturel. La première question qui m’est venue à l’esprit quand je me suis penchée sur vos travaux, concernait une structure typiquement française: quel en est l’équivalent, s’il existe, aux Etats-Unis? Je veux parler du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel(1) qui est … Cela vous dit-il quelque chose?
Vaguement, mais j’aimerais bien que vous me rafraîchissiez la mémoire.
Eh bien, je ne suis pas moi-même un expert de cette institution. Il s’agit essentiellement d’un organisme de contrôle, qui approuve en quelque sorte ce qui passe dans les média. Existe-t’il donc un organisme comparable aux Etats-Unis?
Pas vraiment. Le seul organe des média aux Etats-Unis qui soit soumis à beaucoup plus de contrôles que les autres est la télévision parce qu’elle utilise des ondes hertziennes qui sont physiquement peu nombreuses, si l’on ne considère que l’accès. Et donc, et de loin, l’audiovisuel est le média le plus réglementé… bien qu’il ne le soit pas énormément, surtout si on compare avec la France ou l’Europe de l’Ouest; mais aux Etats-Unis nous avons des lois contre l’outrage à la pudeur sur les ondes, qui portent en général sur le langage. On ne peut tenir certains propos choquants mais en dehors de cela, il n’y a pas grand chose… Il y a un règlement concernant la propriété des stations par exemple, une des rares choses que vous n’avez pas le droit de faire en Amérique, si vous n’êtes pas Américain - vous pouvez être propriétaire n’importe où, mais être propriétaire d’une station émettrice est une des seules choses que vous ne pouvez pas faire. Quand Rupert Murdoch(2) a voulu lancer sa chaîne Fox, il a du, en fait, renoncer à sa citoyenneté australienne et prendre la nationalité américaine. Il y a donc des lois sur la radio-télédiffusion – un peu sur le contenu, un peu sur la propriété – mais le gouvernement ne joue pratiquement aucun rôle dans l’industrie cinématographique, notre système d’évaluation, l’Association du Cinéma, et le système d’évaluation aux Etats-Unis est volontaire. Cela a …, cela s’est fait parce qu’on craignait une main mise de l’Etat mais le gouvernement n’a rien fait. L’édition, en dehors de l’obscénité ou de la diffamation, ou autres, l’édition n’est absolument pas réglementée par l’Etat. Et donc globalement il n’y a pas de contrainte et on peut faire, jusqu’à un certain point, quasiment ce qu’on veut.
(1) le CSA
(2) La vie de Rupert Murdoch, magnat des média se présente comme une suite de bonds d’un pays à l’autre, en accumulant les acquisitions . Dans les années 60, ce fut à Sidney (The Mirror), à Londres (The News of the World et The Sun). Dans les années 70, à New York (le New York Post). Dans les années 80, à Hollywood (20th Century Fox et Fox News) et de nouveau à Londres (achat du Times et du Sunday Times, confrontation avec les syndicats à Wapping et lancement de la télévision satellite qui allait plus tard devenir BSkyB en Grande Bretagne. Dans les années 90 en Asie (Star Télévision). Murdoch a lui-même qualifié ces acquisitions de suite de batailles dans une guerre sans fin pour de nouvelles conquêtes. De tous ces combats, la chaîne Star que Murdoch a achetée en 1993 est la plus difficile à développer. Elle a un vaste potentiel: les empreintes de ses satellites vont du Japon au Moyen-Orient en passant par l’Asie du Sud-Est, et couvrent les deux tiers de la population mondiale.

Un entretien avec
Jeffrey COLE
“ Directeur du Centre de Politique de la Communication et des Médias de Divertissement à UCLA”
lors de sa visite à l’Université Toulouse I en juillet 2003.
“Le Centre de Politique de la Communication de l’UCLA est au premier rang des institutions universitaires qui fixent les nouvelles tendances dans le divertissement.” (President Clinton)
Régulation en France et en Europe
D’accord. Deux questions maintenant, la première menant à la seconde: vous avez affirmé il y a quelques instants que la réglementation aux Etats-Unis était plus légère que dans les pays de l’Europe de l’Ouest, dont la France. Pourquoi?
Je crois que d’abord – euh, je crois que c’est la tradition. Je crois que c’est une tradition de faible intervention de l’Etat – sauf en cas de besoin absolu – bien que nous ayons vu qu’il y avait un côté négatif à l’absence de réglementation, nous avons vu que lorsque les affaires vont mal, dans le … - à propos des délits d’initié et de ce qu’on a pu voir ces deux dernières années… - mais je pense une tradition de liberté d’expression, bien que la liberté d’expression existe aussi en Europe de l’Ouest, nous ne sommes pas les seuls – les Américains pensent parfois que nous sommes le seul pays qui dispose de la liberté d’expression – ce n’est pas vrai. Mais je crois une tradition de liberté d’expression et la tradition d’un Etat qui reste fondamentalement en retrait. Par exemple, l’Amérique a bien (la plupart… très peu d’Américains le savent), l’Amérique a bien un service public de télé-radiodiffusion, The Voice of America . Mais selon la loi, The Voice of America(3) est autorisée à diffuser dans tous les pays du monde sauf un, les Etats-Unis! Donc nous ne croyons réellement pas que l’Etat ait un rôle à jouer dans les médias, et c’est en même temps une bonne chose car cela encourage les initiatives tout en donnant aussi des médias de très mauvaise qualité, parfois.
(3) The Voice of America (VOA) est un service de diffusion pour l’international d’émissions multimédia financé par le gouvernement américain. VOA diffuse plus de mille heures d’information, de programmes d’actualité, éducatifs et culturels chaque semaine pour un public de quelques 94 millions de personnes dans le monde entier. Les programmes de VOA sont produits et diffusés en 45 langues à la radio, par télévision satellite et sur Internet. Le budget 2003 de VOA se monte à 160 millions de dollars sans compter la transmission et des activités annexes.

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Jeffrey COLE
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Les EU et la France comparés
Peut-être allez vous trouver ma question déloyale: diriez-vous donc que dans les pays d’Europe occidentale (en France), où il y a davantage de contrôle et où on croit moins à l’absence de contrainte, les médias sont donc de meilleure qualité?(Rires)
“Meilleure” est très subjectif. Votre industrie cinématographique est certainement très différente , vous êtes… Mais cela…, je ne sais pas si c’est dû au contrôle de l’Etat. Nous avons cet énorme marché national et nous pouvons donc faire des films uniquement pour le marché américain; il se trouve qu’aujourd’hui un film peut rapporter beaucoup plus d’argent s’il est distribué à l’étranger mais…, et donc nous pouvons faire des films à gros budget. A l’heure actuelle, nous pouvons faire des films à gros budget, ce qui veut dire des tas de poursuites de voitures, des effets spéciaux. Tandis qu’en … les films français par définition à cause du marché plus restreint, doivent coûter beaucoup moins cher, doivent avoir de beaucoup plus petits budgets. Même chose avec les films britanniques et les films italiens. Pour cette raison, cela veut dire que vous comptez davantage sur la façon de raconter, sur la qualité de l’écriture, vous n’êtes pas tenus de terminer chaque film par une demi-heure de poursuites de voitures et de bagarres et de fusillades et cela veut également dire que vous avez moins de vedettes de cinéma et davantage de vrais acteurs (des gens qui savent vraiment jouer) et donc je crois que la vraie différence de qualité est due à ce que vous ne …, vous n’avez pas les budgets surdimensionnés que nous avons. Et certains de nos films à gros budget sont bons, je ne dis pas… Vous devez vraiment vous appuyer sur de bons scénarios, sur la qualité de jeu et sur une bonne histoire. Et je crois que c’est sans doute la raison pour laquelle certains de vos médias sont meilleurs.
D’accord, c’est intéressant. Mais il y avait une question, il y avait un article dans Le Monde d’hier sur Art Spiegelman(4) , un auteur de bandes dessinées qui a publié en 1992 une bande dessinée pour adultes très célèbre, une histoire illustrée intitulée “Maus”, sur l’Holocauste.
Il dit – c’est en français – en parlant des média américains, et en le lisant j’étais curieuse de connaître votre réaction, il a dit: “Il faut une sorte de complaisance minimale pour travailler dans le media américain”. Trouvez-vous que cela est vrai? Etes-vous d’accord?
Je crois que j’aurais tendance… En fait je n’ai encore jamais entendu cette citation , mais je crois que j’aurais tendance à être d’accord, j’aurais tendance à penser qu’il ne faut pas se poser trop de questions, il faut un minimum de complaisance et je ne crois pas – euh… - nous ne posons pas souvent les questions difficiles; il y a quelques exceptions, comme notre meilleur quotidien, le New York Times, qui est aujourd’hui attaqué pour la première fois et mis en cause(5) . Mais je crois fondamentalement, je crois qu’il faut un minimum de complaisance.
(4) Le dessinateur Art Spiegelman a obtenu le Prix Pulitzer, une bourse Guggenheim et d’autres titres honorifiques pour sa série de bandes dessinées intitulée “Maus”. Ces ouvrages traitent de l’Holocauste et ont été inspirés à l’auteur par les persécutions subies par ses parents en Pologne pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il représente les Juifs comme des souris, les Allemands comme des chats, et les Français comme des grenouilles… etc
(5) Référence au scandale actuel dans lequel est impliqué le New York Times et les articles fallacieux de Jayson Blair, ce jeune reporter en poste au Bureau National. Jayson Blair en a choqué plus d’un en reconnaissant sa culpabilité pour plagiat et bidonnage de rapports sur une période de trois ans. Les suites de l’enquête ont soulevé des questions sur la culture du New York Times et entraîné la démission de son rédacteur Howell Raines et de son rédacteur en chef Gerald Boyd le 5 juin 2003. Dans son livre “Burning Down My Master’s House” (J’ai réduit en cendres la maison de mon maître), monsieur Blair reconnaît avoir longtemps trompé ses supérieurs et prétendu envoyer ses rapports d’endroits où il n’était jamais allé et d’avoir interrogé des gens à qui il n’avait jamais adressé la parole. Le New York Times a fini par trouver des erreurs et des inventions dans trois douzaines de ses rapports. “J’ai menti et menti, et encore menti tant et plus”, écrit monsieur Blair dans son livre. “J’ai menti sur les lieux que j’avais fréquenté, j’ai menti sur mes sources d’information, j’ai menti sur la façon dont je rédigeais”. Il dit qu’il a passé une grande partie de ses journées de travail dans un brouillard d’alcool et de cocaïne, qui alimentait sa “meilleure prose” et qu’il a envisagé de se pendre avec sa propre ceinture la nuit qui a précédé sa démission. Mais il se sert également du livre pour attaquer le New York Times, le quotidien le plus vénéré d’Amérique, qu’il décrit comme “une tradition d’égorgeurs qui ne permettent à aucun concurrent de survivre”.

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“ Directeur du Centre de Politique de la Communication et des Médias de Divertissement à UCLA”
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Les médias et la censure
Bien. Ceci est toujours lié à la première question. On trouve par exemple qu’ en affaires, dans la tradition de comptabilité des Nord-Américains ou des Anglo-Saxons, s’exerce un contrôle de la profession sur ce qui se passe dans ce secteur, par opposition au contrôle qu’exerce l’Etat en France. Cela revient donc au même. Quel type de critères, quel type d’autorégulation, de contrôle par la profession y-a-t’il de la part des média ?
Eh bien, de façon générale, les médias doivent forcément être issues d’une tradition de très faible réglementation. Quant à notre technologie la plus récente, Internet, les gens en fait disent qu’il ne peut y avoir de réglementation (ce n’est pas tout à fait vrai). Donc l’autorégulation n’apparaît malheureusement qu’avec la menace de réglementation. L’industrie du cinéma dans les années 20 avait peur d’être soumise à une réglementation et a donc décidé de s’autoréguler et … -euh… - elle s’en est fort bien sortie. L’industrie des jeux vidéo n’a décidé de créer des critères de classification que lorsqu’il est apparu que le Congrès pourrait légiférer et intervenir. Donc la véritable auto-régulation volontaire, nous en avons vu un petit peu, mais pas beaucoup. Il semble que l’autorégulation la plus efficace apparaisse quand l’Etat se fait menaçant. Et par conséquent, il semble que l’Etat ait là un rôle à jouer: menacer de temps en temps paraît ... – bien que je ne crois pas beaucoup aux réglementations de l’Etat – je crois beaucoup à ses menaces de réglementation.
(Rires) Le truc de la menace apparente…
(Avec un grand sourire) Ouais, je crois que les menaces de réglementation de l’Etat ont eu beaucoup d’effet. Et l’autorégulation a très bien fonctionné mais uniquement sous la menace de la réglementation.
Hum, c’est peut-être humain.
Oui, je crois que c’est humain.

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Jeffrey COLE
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lors de sa visite à l’Université Toulouse I en juillet 2003.
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Violence à la télévision
Vous avez beaucoup travaillé sur les conditions de… sur la violence à la télévision. C’est, j’en suis sûre, un sujet bien documenté, mais peut-être pourriez-vous nous donner quelques grandes conclusions pour nos étudiants.
Certainement. Le travail sur la violence a vraiment été intéressant et s’est présenté en fait parce que, comme je l’ai dit il y a un instant, l’Etat menaçait de prendre des mesures. Par conséquent, ce que nous avons fait sur la violence c’est que nous nous sommes penchés sur toute la documentation des trente dernières années, et la violence à la télévision est le problème qui a été le plus étudié en sciences sociales qui euh … - s’efforcent – euh … toute cette recherche s’efforce de répondre à la question: “La violence dans les médias et la violence dans la société sont-elles liées?” Et la meilleure réponse scientifique que je puisse vous donner est “dans une certaine mesure”.
Il y a bien un lien fortuit qui se vérifie dans certaines circonstances, bien que, si je devais chercher les principales causes de violence en Amérique, je me tournerais vers le contrôle des armes à feu, les gangs, les drogues, euh … - ce qui … - En fait, un des arguments les plus intéressants pour soutenir que la violence à la télévision n’est pas source de violence prend comme exemple les marchés américain et canadien. Il y a des endroits tout le long de la frontière qui partagent les mêmes relais de télévision, Seattle et Vancouver s’en partagent certains. C’est aussi le cas de Toronto et Buffalo jusqu’à Detroit et Windsor. Et vous avez les mêmes émissions accompagnées d’une bonne dose de violence à Buffalo et Detroit et presque aucune violence à Toronto ou à Windsor, ou à Vancouver, ce qui tendrait à montrer que c’est autre chose, comme le contrôle des armes à feu au Canada ou d’autres traditions. Mais de toute façon, euh… - le travail que nous avons fait a tenté de voir si la violence dans les média pouvait mener à la violence dans la société, quels sont les types de violence qui ont le plus de chances d’être incitatifs? Et nous avons donc essayé de faire quelque chose de différent de ce qui avait été fait auparavant. Avant notre travail, la plupart des gens qui voulaient mesurer la violence à la télévision, comptaient les faits de violence. Et parfois une tape dans le dos pouvait être traitée de la même façon qu’une balle dans la tête, et nous avons donc senti que le contexte était important. Nous avons donc regardé la violence à la télévision dans son contexte. Nous avons pensé que la violence qui posait le plus de problèmes était la violence impunie ou gratuite, celle qui était plus visuelle que nécessaire, sans nécessité pour l’intrigue. Et d’autre part nous avons senti qu’il y avait beaucoup de violence dans les média qui renvoyait en fait un message anti-violence. L’exemple dont nous nous sommes fréquemment servis était ‘La liste de Schindler’ . On ne pouvait raconter cette histoire sans violence. La violence n’était pas tellement visuelle, elle était au cœur de l’histoire. Nous avons donc essayé de distinguer la violence dont nous estimions qu’elle posait problème et pouvait inciter à la violence réelle et la violence que nous pensions en fait pouvoir servir la société.
Une analyse qualitative par conséquent.
C’était une analyse essentiellement qualitative, mais étayée par trente années d’analyse quantitative.
Cela se passe souvent comme cela dans la recherche.
Oui.

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Jeffrey COLE
“ Directeur du Centre de Politique de la Communication et des Médias de Divertissement à UCLA”
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“Le Centre de Politique de la Communication de l’UCLA est au premier rang des institutions universitaires qui fixent les nouvelles tendances dans le divertissement.” (President Clinton)
Différences culturelles à la télévision
Une autre question du même genre, sans doute - et il s’agit certainement d’une différence culturelle entre la télévision française et la télévision américaine – pourrait porter sur le rôle de la religion à la télévision aux heures de grande écoute. Les programmes religieux à la télévision française passent d’habitude le dimanche matin avec, je crois, plus ou moins le même temps d’antenne pour chaque type d’émission. Mais bon, ce n’est pas une heure de grande écoute…
Euh… En Amérique, c’est beaucoup… euh – ce que vous voulez me faire dire avec votre question, euh… - Nous avons bien le dimanche matin les prédicateurs, les évangélistes, les gens qui essayent de récolter de l’argent, qui ont leurs zélateurs fidèles et je me demande bien comment. Mais une des choses qui m’étonne vraiment (et nous avons tenu une conférence sur ce sujet il y a quelques années) est que 90% des Américains disent qu’ils sont croyants. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, que 90% des Américains sont croyants. J’ai dit “disent” qu’ils sont croyants, ce qui représente un nombre beaucoup plus élevé que dans presque tout le reste du monde. Je pense que les Américains veulent se croire croyants, mais je ne pense pas qu’ils cherchent à être tout le temps guidés par une religion organisée. Je pense qu’ils fixent vraiment leurs propres principes religieux. Mais nous avons été étonnés que l’importance de cette force en Amérique soit rarement montrée à la télévision aux heures de grande écoute, qu’on entende rarement, dans une comédie de situation, quelqu’un dire ‘Je pars à l’église’, ‘Je rentre de l’église’. Ceci dit, nous … cela s’explique sans doute …
Il y a bien “Six Feet Under”* (en riant)
Vous voyez bien, vous voyez bien, je veux dire un petit peu ... mais euh ... dans ‘Six Feet Under’, vous avez le couple homo qui est membre de l’Eglise, c’est en fait plutôt inhabituel et signe de changement, et il est aussi inhabituel de voir un couple homosexuel s’embrasser vraiment à la télévision, c’est très, très inhabituel. Et il est ... et il est important de signaler à ceux qui – parce que je crois que ‘Six Feet Under’ est programmé sur une chaîne privée en France -
Nous l’avons ici sur le câble.
Mais en Amérique c’est sur Home Box Office , une chaîne sans pubs et cela n’a donc pas besoin du financement de la publicité.
Pas chez nous, ici c’est sur le câble.
Avec ou sans publicité ?
Non, non… non non.
Parce qu’une chaîne qui tenterait d’attirer des publicitaires ne pourrait pas diffuser “Six Feet Under”, ce genre de chose serait impossible. Mais je crois que la raison pour laquelle on voit la plupart du temps moins de religion aux heures de grande écoute à la télévision américaine est la si grande pluriculturalité de notre société et la France va certainement dans cette direction. Elle n’y va pas, elle y est sans doute déjà arrivée. Mais nous… je continue à penser que la grande majorité des français est catholique… que les gens soient ou non pratiquants.
Selon les statistiques, oui.
Et ce n’est pas vrai aux Etats-Unis.
Mais on n’a pas, du moins je n’en ai jamais vu, ici on n’a pas de télévangélistes. Je ne, je ne pense pas qu’on ait le côté collecte de fonds.
Ceci n’est pas un de nos ... un des éléments des médias dont je suis le plus fier. Mais ils, ils peuvent acheter… Ils ne passent pas aux heures de grande écoute. Ils achètent d’autres créneaux horaires quand c’est cher…
C’est sur une chaîne privée, pas une chaîne publique ?
.
C’est sur certaines chaînes publiques.
Ah bon, publiques également.
… tôt le matin mais pas aux principales heures d’écoute. Et certains de ces télévangélistes ont été condamnés pour vol, pour mensonge… euh je ne sais pas s’ils en sont tous coupables mais il y en a certainement pas mal qui le sont. Hum, mais c’est en dehors des heures de grande écoute simplement parce que ce sont les créneaux les moins chers.
Cela me rassure…
Euh…
Ce n’est quand même pas aux heures de grande écoute.
Ce n’est pas aux heures de grande écoute, pas les évangélistes.

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L’image de la femme
Une autre question, un autre projet sur lequel vous avez travaillé… l’image des femmes, des filles à la télévision. Une fois encore il y a une grosse différence entre la télévision française et la télévision américaine, du moins pour le profane.
Je crois que la télévision française s’est montrée plus sensible à ces sujets au fil des années que ne l’a été la télévision américaine. La première chose que j’ai apprise qui vraiment, ai-je pensé, était vraiment intéressante, est que pratiquement personne en Amérique n’est content de l’image que la télévision donne de lui. Les personnes âgées ne sont pas contentes, les adolescents se plaignent d’être présentés comme des buveurs ou des criminels en puissance, les adolescentes sont représentées comme des allumeuses ou des accros du shopping, les policiers disent qu’ils ne sont pas contents, euh, le monde du travail pense qu’on le montre corrompu, le monde des affaires pense que c’est... donc quasiment personne n’est content de l’image que la télévision donne de lui. Mais nous avons pensé qu’il y avait une question très importante... beaucoup de nouvelles théories et de recherches montrent que les filles réussissent socialement aussi bien que les garçons – c’est ce qui ressort de... euh... d’ouvrages intéressants des années 90 - jusqu’à environ 12-13 ans. Ensuite il y a un effet réducteur qui les fait refouler leurs compétences, qui fait qu’elles ne les montrent pas aussi bien que le font les garçons et il se pourrait que les médias y soient pour quelque chose. Nous voulions donc vraiment voir quelle image donnaient les médias des adolescentes, des filles, et nous avons trouvé des choses très, très intéressantes. Il n’y avait pas – c’était il y a 5 ou 6 ans - il n’y avait pas beaucoup d’images positives de filles qui aient choisi d’autre voies que d’essayer d’être jolies pour plaire aux garçons. La télévision ne montrait pas beaucoup de filles, d’adolescentes récompensées pour leur intelligence ou l’ambition de leurs objectifs professionnels, bien qu’il y ait beaucoup, vous savez, beaucoup de filles en Amérique qui en ont.
Nous avons vraiment pensé qu’il y avait là un problème et nous avons essayé de comprendre. Et cela vient essentiellement de ce que ... la télévision réduit presque tout le monde à des stéréotypes. Nous avons pensé que ces stéréotypes étaient particulièrement douloureux pour les adolescentes.

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Groupes ethniques
Fait-on un travail parallèle sur les minorités ou les groupes ethniques ou raciaux ?
Bon, nous nous trouvons d’abord dans une situation intéressante en Amérique. Alors que les Latinos viennent de devenir notre groupe minoritaire le plus nombreux, devançant maintenant les Noirs, eh bien, on a beaucoup plus travaillé sur – eh bien beaucoup sur les Noirs - Tout un tas de problèmes. Le problème avec la plupart des minorités en Amérique jusqu’à il y a une vingtaine d’années n’était pas qu’on donnait d’elles une mauvaise image, c’était simplement qu’elles étaient absentes. L’Amérique est bien cette société pluriculturelle et pourtant tous ces groupes regardaient la télévision et ne s’y voyaient jamais. On a fait des progrès considérables avec les Noirs à tel point qu’ils sont vraiment sur représentés sur certaines de nos chaînes. Et je ne parle pas seulement des programmes de divertissement, c’est aussi le cas des présentateurs, ou des gens de la météo, sur toute la grille. On a donc bien progressé avec les Noirs, on fait de plus en plus de progrès avec les Latinos étant donné que les chaînes de télévision et les publicitaires sont très vigilants. Les Asiatiques sont toujours en grande partie invisibles sur nos médias de masse et dans la mesure où ils apparaissent, c’est d’habitude sous forme de stéréotype. Bien qu’il soit intéressant de remarquer qu’il s’agit d’un stéréotype positif, ce qui leur fait une belle jambe, mais c’est un point positif – on donne d’eux l’image de bûcheurs, très intelligents, très consciencieux, ce qui, si l’on doit vous réduire à un stéréotype,... je suppose qu’il est mieux de l’être de façon positive, mais pourquoi faut-il faire de vous un stéréotype? Il y a des Asiatiques intelligents et des Asiatiques stupides et il y a de bons et de mauvais Asiatiques, on peut connaître des gens, des Asiatiques, qui sont des gens bien et des gens pas bien. Mais c’est surtout que les Asiatiques ne sont tout simplement pas représentés. Les Indiens d’Amérique eux non plus n’existent guère dans nos médias.
Eh bien, Dr Cole, je pense, comme on dit en français, que ‘nous avons fait le tour de la question’ en évoquant plusieurs aspects de ces questions. Je suis sûre que nous pourrions continuer des journées entières. Mais je pense que cela va donner à nos étudiants certaines idées et certainement les inciter à aller plus loin en cherchant sur Internet.
Je suis sensible à cette invitation au partage. Vous êtes bienvenus, toute notre recherche est disponible. Totalement gratuite, nous ne vendons rien sur le site Web dont l’adresse est http://ccp.ucla.edu/ et vous êtes bienvenus pour télécharger tout ce qui vous intéresse.
Eh bien, merci beaucoup Dr Cole(9) .
Tout le plaisir est pour moi, merci. C’est une joie pour moi d’être ici.
(9) Jeffrey Cole, Directeur sera un intervenant d’honneur à la conférence Forbes.com à la Jamaïque qui se tiendra du 3 mars au 4 avril 2004.